[Enfants de l'Apocalypse] Introduction

Aahh…Que j’aime ces moments où, après une longue journée de labeur, je peux me détendre dans cette taverne en dégustant une bière bien fraiche, les rires des habitués me chauffant le cœur le temps que les effluves alcoolisés en fassent de même avec mon corps.


J’aime cet endroit, la complaisance qui s’en dégage autant dans sa simplicité que son atmosphère, un peu à l’image de Rudolf, son patron, un sourire accueillant toujours chacune de ses phrases donnant pour le coup à ses cuvées un goût familièrement rustique, authentique, un brin de chez vous à porté de gorge en quelque sorte.


Et ce jour ne déroge pas à la règle. C’est donc le cœur serein que je bois ma chopine, moment privilégié avant de rejoindre les doux bras de ma tendre Marie.


Alors que l’écume mousseuse de ma bière s’accroche à ma barbe naissante, mer de houblon entrant dans le détroit de ma bouche, une femme me rejoint à la table, s’asseyant à la chaise près de moi. Une jolie femme pour tout dire et, sans nul doute, elle sait l’effet qu’elle fait aux hommes. Elle me regarde, plongeant ses doux yeux amandes dans les miens, un battement de cil suffisant à me faire paraître petit face à cette grande dame, moi, modeste ébéniste et elle, respirant la noblesse parfumée.


Pourtant, elle m’aborde, faisant fi de cette différence et de la sueur empreignant mes vêtements.


« Bonsoir, Messire, Puis je vous offrir un verre ? » Me susurre-t-elle d’une voix suave et sensuelle.


Aimable de sa part mais mon défunt père, paix à son âme, s’en retournerait dans sa dernière demeure si j’acceptais, si j’oubliais l’éducation qui m’inculqua dont ces préceptes de courtoisie auxquels il tenait tant.


« Permettez-moi plutôt de vous en offrir un, Fräulein !! ».


Et joignant le geste à la parole, aussi afin d’éviter tout refus de sa part, je commande deux choppes de la main à Rudolf. Il est vrai que les temps sont durs en ce moment et, même si mon travail à la scierie me permet de subvenir aux besoins de ma tendre épouse, l’économie d’une tournée serait toujours bonne à prendre. Mais l’amour ne suffit il pas à nourrir son homme ? Qu’est ce l’or quand la passion comble vos nuits et que celle à qui appartient votre cœur contribue chaque jour à votre bonheur ?


C’est ainsi que la belle et moi commençons à discuter en trinquant à l’amour, une pensée émue à Marie tandis que je bois une rasade. Enfin, la discussion se limite à moi, parlant de mon épouse, de mon travail, de ma vie et elle, se contentant d’acquiescer à mes dires, de sourire à mes propos et même de rire à mes quelques boutades. Quelle douceur ce rire… Un émerveillement à mes oreilles.


Le temps passe ainsi…Une heure…Peut être moins….Quoi qu’il en soit, les gloussements gras des habitués commencent à me porter sur les nerfs. Sont-ils vexés que cette dame soit à ma table plutôt qu’à la leur ? Me jalousent-ils au point de ponctuer chacune de leurs insultes lâchées en secret par des hilarités ridicules ?


La jeune femme a du percevoir mon agacement car elle s’inquiète de mon état par un : « Messire ? Vous allez bien ? »


« Ca va, ça va!! » lui dis je d’un ton se voulant plus sec que je n’aurai voulu.


Alors que je m’apprête à m’excuser auprès d’elle, je perçois du coin de l’œil le visage violacé du tavernier, ce Rudolf, me fixant avec ce sourire niais…Voir Hypocrite…


Il est qui, lui pour me juger ? Il croit que son taudis est trop bien pour un gars comme moi, que sa piquette vaut mieux que l’ébéniste exploité que je suis ? Qu’il se méfie que je ne lui colle pas sur le menton sa pisse d’âne !!!


Messire ? »


Grlmmmm, qu’est ce qu’elle a elle aussi à me gonfler? Elle me prend pour un pigeon, cette garce ? Je ne suis pas dupe au point de me laisser dépouiller mon argent par la première poule venue. Faut que je sorte…Et vite avant que je fasse un malheur…


L’air frais me cingle le visage, m’envoyant dans les narines les relents des bas-fonds.


Je prends le chemin de la maison, évitant de justesse deux gamins espiègles courant et beuglant tout leur saoul. Rien à faire de mieux, ces marmots, que de m’enquiquiner à cette heure là ? Y a vraiment des parents que j’aimerai cogner à coup de ceinturon pour leur apprendre à éduquer leurs gosses, moi…Un peu comme faisait mon père, soit disant pour mon bien….Pfff…Qu’il pourrisse dans son trou, cette enflure et que les vers en fassent une indigestion, tiens !!


Je tourne à droite, débouchant dans ma rue, passant devant la bâtisse de mon voisin. Cet empaffé est occupé à secouer son tapis. Il me voit….Me sourit….Et ose même un bonjour…


Que croit-il, ce crétin ? J’ai vu son petit jeu, ses regards mielleux avec Marie. Il doit être dehors pour guetter mon retour, trop content, il aurait été, si j’avais trop tardé.


Je passe le pas de ma porte. Ma femme m’accueille d’un « C’est toi, mon amour ? »


Peut être attendait elle le voisin, hein….Oui peut être… Et ce diner, m’est il destiné ou s’apprêtait il aussi à me voler mon repas ?


« Tu as l’air fievreux, mon cœur ? »


Je ne dis rien..M’approche du plan de travail sur lequel est posé un long couteau au fil aussi tranchant qu’un rasoir…M’en saisit…


Mon maudit père avait raison, c'est une trainée….Elle va payer…Oui elle va payer…

Introduction des Loups d'Ostland


Un soleil de plomb assommait les voyageurs, les écrasant de toute sa masse, pesant sur leurs épaules tel un fardeau immatériel les accompagnant depuis plusieurs lieux maintenant.


Le cahot du chariot, le bruit métallique des roues cerclés encaissant les disparités de la route -ci un trou, là un caillou – s’ajoutait à la torpeur générale, emportant doucement et toujours plus avant le pèlerin vers la délicate ligne séparant éveil et sommeil, léthargie et réveil, réalité et rêve,…


C’est dans cette atmosphère que le retour des loups envoyés par « le boiteux » se faisait, subissant les affres du voyage en somnolant.


Mais même ainsi, les instincts d’un loup ne sont jamais loin, il suffit souvent d’une simple bourrasque pour raviver le feu de la braise mourante et la bise allait se faire violence d’ici peu, bientôt le vent en deviendrait tempête, l’escarbille enflerait et de brasier finirait Enfer…


Bientôt…


Les prémices ne tardèrent guère à se faire attendre…


Par un son saccadé, d’abord, rythmique endiablée montant crescendo, roulement de tambour montant en puissance bientôt accompagné par un hennissement. Ce cri d’agonie d’une bête à bout de force sonna la levée de rideau de cette pièce de théâtre qu’est la vie et c’est dans un craquement sonore qu’un cavalier fendit les arbustes bordant la route, déchirant le pendrillon de verdure dans sa course effrénée.


L’animal, l’écume aux lèvres, sa robe immaculée se scindant d’une tache vermeille par laquelle s’échappait sa vie à chaque effort prononcé, cavalait en direction du chariot des loups. Ses pattes ne supportèrent que quelques mètres de plus avant qu’elles ne lâchent, propulsant le cavalier à terre avec violence tandis que la brave monture s’écroula sur le sol dans un fracas infernal.


Et…Tandis que la poussière soulevée s’élevait dans le ciel, transportée par une bise venue de nulle part, la respiration rauque de l’animal semblait mesurer les secondes, comptant peut être les derniers grains de sable du sablier de sa vie.

Edhana etait assommée par le chemin du retour. Elle qui esperait qu'ils iraient à Altdorf pour le ravitaillement! Mais quelle idée elle avait eu de se porter volontaire si ce n'etait que pour Talabheim... Et puis, comble de la guigne, il y avait Silence avec elle. Non qu'elle n'appreciait pas Silence mais elle n'avait strictement aucune chance de lui echapper. Ce n'etait pas comme ce benêt de Gordo, avec lui elle n'aurait eu aucun mal.

C'est en ruminant ces sombres pensées que le cavalier s'écrasa à leur pied. Selon son habitude dans de pareilles situations, c'est à dire toute situation insolite possiblement dangereuse, elle sauta dans le chariot et se cacha sous les couvertures mais ne manquant pas de la soulever suffisamment pour jeter un coup d'oeil sur ce qui se passait.

"Le guignard" était à l'arrière entre deux vétérans. Ces derniers, roublards mais fidèles, avaient mis une tactique au point, quelque chose que seul des guerriers aguerris connaissaient ... quelque chose que seul ceux qui avaient marché des heures, des jours, des semaines durant, allant d'un front à l'autre, à pied.

C'était au Guignard d'être entre les deux vétérans. Marchant à la même hauteur, en "trois par trois" comme on dit, le principe était simple. Celui du milieu, le nain à la barbe grise que la saleté, la poussière, le sang et la sueur faisait tenir en tresses inégales était assoupi. Il marchait et était semi-conscient, ses camarades l'un à droite, l'un à gauche l'entouraient de leurs boucliers et au moindre écart veillaient à ce qu'il marche droit. Pratique pour les longues marches et ce faisant, en inversant les rôles, une troupe pouvait marcher plusieurs jours sans s'arrêter.

Execrant toute sorte de monture, non pas par amour des bêtes mais par "intérêt tactique" comme on dit chez les nains, Le guignard avait déjà entendu ce bruit, ce henissement.

À demi-réveillé ... ou plutôt à demi-endormi le hennissement lui fit songer à un flou champ de bataille où après une charge vaine, hommes et elfes avaient encore sacrifié vainement des bêtes d'une beauté sauvage.... empalés sur les hallebardes des Gardes Noirs et par les piques des réguliers de L'Ost du Corbeau.

Immédiatement tiré de ses songes par un coup de bouclier du coté droit et gauche en même temps, Le guignard vit la fin de la scène, tira son épais bouclier doré orné d'argent et tira sa hache de sa ceinture d'un mouvement souple et agile... sans un mot, attendant les consignes.

La monotonie de la route avait endormi Kirsten. Ses compagnons de voyage ne parlaient plus depuis déjà plusieurs heures. Et puis l'aller c'était très bien passé, alors pourquoi s'inquiéter sur le chemin du retour ?

C'est à moitié somnolente que la Torche perçut un son rythmé, proche.

"Y'a pas comme un bruit ?" annonça t-elle.

Entendre sa propre voix la réveilla. Les autres semblaient presque autant endormi qu'elle, mais l'elfe qui ouvrait la marche ne l'avait pas attendu pour bander son arc et se tenir prêt, à l'affût.

C'est à ce moment que surgît le cavalier et sa monture, s'effondrant ensemble dans un fracas étourdissant.

Sans réfléchir, Kirsten bondît derrière le charriot et s'ouvrit à Aqshy. L'air alentour se réchauffa rapidement, et une barrière de feu commença à se former devant elle.

La Torche ne pensait plus. Elle était sur le qui-vive, l'air halluciné d'un rongeur acculé (/hrp et sous amphétamine), prête à carboniser toute menace potentielle.

La gerbe de sang, fine, irréelle s'éleva dans les airs, se mêlant à la poussière qui retombait en une pluie sombre et désordonnée. Le sifflement mis un terme au râle agonisant de la monture au sol, dont la vie s'échappa doucement. Le corps de la bête se crispa une ultime fois puis, tous ses muscles puissants, tendus à l'extrême dans ce dernier effort qu'elle avait produit pour arriver jusqu'à là, se détendirent. Le dernier repos emporta la bête dans un silence palpable. La flèche ne dévoilait que ses plumes sur le poitrail de l'animal, un fin filet de sang glissant sur sa robe blanche.

L'ombre encapuchonnée, droite sur sa monture, presque irréelle, son arc à nouveau bandé, pointant le cavalier au sol, laissa son regard zigzaguer partout autour du convoi pour prévenir un éventuel danger, puis retourna son attention sur l'improbable arrivant, affalé dans la poussière.

Il sauta de sa monture dans un mouvement souple et silencieux et il approcha, prudemment de sa cible. Une fois à ses côtés, il retourna le cavalier du bout du pied, toujours aux aguets, prêt à décocher une seconde flèche mortelle.

Silence fit signe à l'un des Loups d'approcher pour prendre connaissance de l'état du cavalier.

Un silence pesant envahi les lieux, enveloppant les convives dans une bulle où le temps ne semblait avoir prise. Le vent, lui-même, s’était arrêté, stoppant sa cour auprès des feuilles, mettant fin aux caresses incessantes dans cette verte chevelure, aux murmures langoureux échangés au fil des bises et des bruissements anodins, laissant ainsi les loups seuls sur scène…


Le cavalier inconscient n’était que pantin, marionnette blessée par une main invisible qui lui avait coupé les fils, le laissant choir sur le sol au pied des voyageurs. En le retournant du talon, « Silence » offrit à la vue de ses compagnons un indice sur les origines de l’arlequin déchu. Là, auréolé de longs cheveux auburn, un visage fin, aux traits délicats, allongés et assorti d’une paire d’oreilles pointues, l’inconnu, toujours évanoui, gagna en précision pour s’en révéler Haut Elfe


Et, tel le troubadour fixant son public avant la grande envolée finale, l’homme prénommé « La Hyène » se tenait là, debout sur le chariot, juché sur ce perchoir en observant les alentours, n’ayant visiblement cure de cette révélation.


D’un signe de main, d’abord en pointant du doigt les intéressés puis en indiquant l’orée boisée de l’index, d’un geste lent et circulaire, ordonna-t-il au «Guignard » et aux deux vétérans campés près de lui d’inspecter les environs, d’y fouiller l’endroit où, il y a peu, le cavalier fit cette fracassante entrée.

Edhana regarda avec attention les traits de l'elfe.. un elfe.. encore un autre... elle adorait les elfes,.. mais n'importe qui aurait pu lui dire qu'elle aimait n'importe quelle race ! elfe, humain ou nain.

Les yeux rivés sur l'étrange inconnu, elle se releva légèrement, de manière à mieux regarder et inspecter.

Après tout, si l'inconnu était blessé, ils le mettraient dans le charriot ! Donc elle pourrait le regarder, l'inspecter, l'ausculter à loisir !

Dans la hiérarchie des Loups, elle arrivait en dernier.. alors elle n'agit pas plus qu'avant, laissant son imagination débordante travailler en virtuel ce qu'elle ne pouvait encore oser faire en réel.

Sans un mot, retranché derrière son lourd bouclier laissant voir derrière un lourd casque en acier et deux yeux vifs, le guignard serrant sa hache, prête à trancher, quitta le chemin poussiéreux et s'avança, avec les deux vétérans vers l'orée boisée, à la recherche de tout indice pouvant aider.

Éclaireur ou chair à canon ? "Le guignard" n'en avait que faire. N'ayant la foi qu'en son bouclier, ne croyant qu'en sa hache et ne professant que la violence, en avant des deux vétérans - en lesquels il n'avait qu'une confiance de bistrot - il se mit à la recherche de tout indice sur la provenance du cavalier.

Il s'arrêta net.

Y'a un truc la les gars. Arme ton arbalète vieux je vais voir, mais me tire pas dans l'cul...

"Le guignard" d'un pas lourd mais prudent s'avança vers le fourré suspect. Le seul bruit que l'on entendait fut celui des cliquetis de son armure ... et de cette brindille qui craqua d'un bruit sec sous son pied.

L'ombre encapuchonnée fixa le visage de l'elfe qui venait de se dévoiler aux regards des mercenaires. Il resta un instant, immobile, comme si le temps s'était arrêté, comme s'il pouvait voir s'échapper fébrilement du corps, l'âme penaude de l'elfe agonisant, souffrant le martyr ce déchirement impalpable, ce moment parfois trop long, où l'on sent la mort nous envahir et la vie céder du terrain, pas à pas. Ses yeux ne cillèrent pas, ils affrontaient une nouvelle fois l'inéluctable destin des vivants avec une froideur impertinente, comme si un fossé immense le séparait des sentiments inspirés par ce genre de scène tragique.

Silence s'agenouilla enfin à hauteur de l'elfe gravement blessé et à bout de force au vu de son état. Il plongea son regard dans le sien avant d'appeler de celui-ci un loup vétéran pour soigner l'étranger agonisant avant qu'il ne rende son dernier soupir.

D’un bond, souple et vif, « la Hyène » quitta son perchoir pour inspecter l’elfe, non sans avoir dégainé son arme, une épée courte, qu’il conserva ajusté le long de son avant bras droit, au cas où…


A genoux près du cavalier, il commença par faire jouer son index devant le regard vitreux de l’inconnu, cherchant une réaction, observant les pupilles de l’elfe.


« On en tirera rien de bon… » Commença t’il par dire entre deux gloussements lui valant ce surnom. « …La douleur lui brouille le regard, là… » Continua t’il en désignant le bras droit du blessé. « …Son bras est cassé, son épaule a morflé aussi, et ici…une plaie faite par une lame… » Il montrait maintenant la hanche gauche où une profonde blessure suintait du pue, laissant présager que la lésion avait déjà plusieurs jours. « Si on le laisse là, il ne survivra pas…Qu’en penses tu ? On le ramène au campement? » Finit il par demander au protecteur.

Silence désapprouva de la tête et indiqua à la hyène de réveiller l'elfe avec sa flasque d'eau de vie qu'il désigna d'un doigt à la ceinture du suivant du Boiteux. Il désigna ensuite l'un des toubib de la compagnie et pointa du menton l'elfe au sol pour ordonner de prodiguer les premiers soins.

Dans le charriot l'enfant trépignait, elle aurait visiblement bien voulu voir l'elfe de plus pres... et peut etre l'emmener au campement ! Apres tout, ca ferait un compagnon de plus !

Et puis il pourrait etre interessant

elle lanca d'une voix inquiete : "on ne va pas le laisser mourir comme ca, hein?"

"Le guignard" avait reçu une ordre. Il ignorait tout de ce qui se passait autour de convoi, envoyé voir s'il y avait encore quelqu'un ou quelque chose qui rôdait dans le coin.

N'ayant reçu de contre-ordre, il avança suivi à deux mètres par les vétérans, l'un couvrant l'arrière, l'autre regardant au dessus du nain massif qui lui, regardait par terre ... trio de choc.

Suivre des traces de sabot de cheval était un jeu d'enfant. Après avoir marché quelques mètres, "Le guignard" s'inclina et passa sa main sur une trace encore fraîche. Rien à voir avec des sabots. La terre avait été foulée avec une puissance et une haine intense. Plusieurs mottes de terres étaient retournées, comme arrachées par des pattes munies de griffes de la taille d'une main.

On dirait des traces de prédateurs ... peut être ces gros lézards qu'on trouve chez les elfes, t'en pense quoi ? dit le nain au premier vétéran.

Mouais des sang-froids dans cette région ? ça m'étonnerai beaucoup.

Euh ... vous savez que les Elfes noirs s'en servent de monture ? dit le second vétéran.

Le nain n'avait pas réalisé son erreur. Il n'était pas le meilleur pisteur des Loups mais ça il le savait : ne jamais se mettre dans le vent. Sa bêtise le fit tilter, les traces fraîches, eux trois, dans une petite clairière ... les voila comme des proies idéales face à une petite meute de prédateurs sans pitié. L'épaisse forêt sembler tournoyer autour des trois mercenaires, l'air faisait chanter les feuilles des arbres et sifflait dans les buissons.
Le guignard leva son bouclier.

Y'a un truc, là...

Eau de vie…

Ou « le Nectar » comme aimait l’appelé « Tord-boyaux », son concepteur, son créateur, celui qui, par accident plus que par véritable don avait conçu cet alcool atypique, cette liqueur qui vous mettait le gosier en feu, les tripes en ébullition et le cerveau à l’envers sans entrainer les nausées matinales généralement liées aux lendemains de soirées trop arrosées.


« La Hyène » déboucha la fiole d’un coup sec, porta d’abord le goulot aux narines de l’elfe, provoquant une légère réaction de la tête puis il déposa quelques gouttes sur les lèvres entrouvertes de l’inconnu.


Les répercussions du liquide éthylique ne se firent guère attendre. Un soubresaut, tout d’abord, puis les yeux qui s’ouvrirent, en grand, le voile dans son regard se déchirant au moment où il expira brutalement, tel un naufragé dégageant de ses poumons l’eau vindicative envers cet aventurier ayant oser la défier, elle, force limpide et lui, ridicule pantin sur une épave de bois. Puis, dans un réflexe machinal, l’elfe tenta de poser la main sur l’épée qu’il portait au flan…En vain, la douleur lui arracha un cri…


Et, soudain, la réalité le rattrapa.

Il regarda à droite, à gauche, fixant ces hommes l’entourant : Ce compatriote emmitouflé dans une écharpe lui rendant un regard dur, froid. Et cet humain a la tignasse couleur paille tenant une fiole à quelques centimètres de sa bouche, celui à l’origine de ce gout de feu dans la bouche, avait il voulu l’empoisonné ?


Il sentait qu’il y avait d’autres personnes autour mais il ne pouvait bouger, une douleur lancinante lui traversait le bras, l’épaule, le cou…Non, son corps entier semblait hurler souffrance, brailler de tout son saoul, toute son âme un mal tel qui lui semblait s’être retrouvé dans le creux d’une vague, énorme, et que les flots l’aient secoué encore, et encore jusqu’à rompre en lui le moindre os.


Il se souvint…Cette chevauchée infernale….Ces cris derrière lui….Les carreaux sifflant de part et d’autres…Oui….Ils étaient à sa poursuite…Ils étaient de nouveau passé à l’offensive…Et ils l’avaient apparemment rattrapé…


« Qu’Isha me donne…la force de vous résister… » Souffla t’il, les dents serrées, tandis que le toubib fait mandé par « Silence » s’approchait, une sacoche remplie d’attèles, d’herbes médicinales en main.

"Y dit quoi...?" lança timidement Edana, toute curieuse de voir l'elfe reprendre vie, lui qui n'était qu'un simple pantin quelque minutes avant.

la couverture toujours posée sur ses cheveux, les coudes relevés , les mains portant sa tête pour plus de confort, et semi allongée dans le charriot elle regardait, sans se préoccuper de savoir où pouvait bien être Gordo, l'elfe qui émergeait difficilement.

"On l'emmène maintenant... hein?" lança t'elle de nouveau inquiète en regardant Silence.

Un compagnon de plus dans la compagnie.. franchement.. comment pouvaient ils hésiter? P'tet même qu'il savait des contes... les elfes, enfin à part Silence, ça sait toujours des tas de choses ! Lui c'est pas tant qu'il sait pas, c'est qu'il dit jamais rien.

Les deux vétérans suivirent des yeux l’endroit indiqué par le nain.


Rien…


« Qu’est ce t’as vu, « le Guignard » ? » S’enquit l’un d’eux avant qu’une ombre à la périphérie de son regard vienne attiser son attention. Il tourna la tête…Rien…


Puis un nouveau mouvement sur la droite, et un autre encore un peu plus loin dans les profondeurs du sous-bois, accompagné d’un grognement cette fois ci, râle de fond de gorge d’une bête affamée, lent et cruel…


« Ca n’sent pas bon. » Souffla t’il avant d’ajouter: «On s’retire!! »


Comme un seul homme, démontrant cette entente essentielle à toute troupe d’élite, les loups se mirent en position de retrait. L’un des vétérans se posta à l’arrière, dos à dos avec ses frères d’armes, bouclier sur le flan, prêt à les guider jusqu’au sentier où les attendaient le reste de la meute.


Les deux autres se laissèrent ainsi mener en toute confiance, se concentrant dés lors sur les alentours, guettant le moindre signe d’hostilité de la part des ombres, elles, se faisant plus présentes, plus pressantes…


Deux, trois, quatre,…Tant elles bougeaient, il en devenait impossible de les compter.


Quelques mètres et les Loups auraient rejoint les autres, …
Et elles…Elles se mouvaient, dansaient dans la pénombre, épousant la noirceur pour mieux s’en extirper au moment qu’elles jugeraient opportun.


Quelques mètres encore, chaque pas se faisant dans l’appréhension du danger, l’adrénaline palpitant à foison dans le cœur des mercenaires, leurs mains se crispèrent sur le manche de leurs armes.


Et enfin, ils arrivèrent au chariot renversant pour le coup non seulement l’éventuelle supériorité numérique des ombres mais annulant l’avantage de l’obscurité des arbres, de l’ombrage des feuilles et obligeant dorénavant toute attaque au corps à corps par une mise à découvert des assaillants.

on devrait filer d'ici, ça sent le traquenard lança "le guignard" aux vétérans.

Le nain passa par dessus les jambes de l'elfe dont le toubib prenait soin et se dirigea d'un pas décidé vers Silence.
Au fur et à mesure qu'il s'approchait de lui, le guignard ralentissait ... il fallait peser ses mots, il ne connaissait pas Silence et s'en méfiait. Le nain était sur d'une chose, quelque chose de noir et malveillant rôdait autour des sentiers et celui qui était une des plus proches du Capitaine serait à même de prendre la bonne décision.

Il ôta son lourd casque en acier et lui dit :

On devrait pas rester ici. Y'a un truc qui tourne pas rond ... on ferait mieux de foutre cet elfe dans le chariot et déguerpir vite fait, enfin c'est notre avis avec les deux la bas.

D'un geste, l'ombre encapuchonnée pointa du doigt le chariot en adressant un regard sans équivoque à deux vétérans bâtis comme des blocs de granit. Puis, il se redressa dans un mouvement souple et épuré qui fit penser à un fauve. Silence tira son arc et grimpa sur un arbre aux branches bien disposés et au feuillage touffu. De sa position il fit le guet le temps que le convoi se remette en marche, tentant d'apercevoir dans la forêt les ennemis signalés. La flèche encochée condamnerait au silence le premier qui s'approcherait avant qu'il ne pu crier le ralliement.

L’ordre muet claqua avec autant d’impact que s’il avait été braillé à haute voix.


Aussitôt, les mercenaires s’exécutèrent. L’elfe fut soulevé et porté au chariot. Sa blessure, malgré l’onguent et le bandage posé par le toubib continuait à suinter un liquide jaunâtre qui imbiba le bout de tissu, il y a peu encore immaculé. L’inconnu ne put réprimer un râlement d’agonie. Il était fiévreux, sa sueur perlait de son front, de son nez, tombant en goutte sur son gilet de cuir, emmêlant ses cheveux auburn dans une mélasse puant la maladie, la fatigue….Et peut être la mort…


Une fois installé à l’arrière, le toubib à ses côtés et la gamine, de ce regard espiègle qui la caractérisait tant, ne le lâchant pas des yeux, le cortège se mit en branle.


Les Loups, tels des chiens de berger guidant un troupeau, le menant sur le chemin du retour et guettant, les oreilles levées et la truffe au vent, l’approche du moindre prédateur, s’étaient positionné autour du chariot, laissant « Silence » en arrière sur son perchoir.


Le protecteur, vigie invisible sur ce mat enracinée dans cette mer d’humus et de terre, ne prêta même pas un regard vers le chariot, vers cette barque qui emmenait le naufragé recueillit vers le port salutaire.
L’attention de « Silence » se concentrait sur l’orée boisée et vers les profondeurs plus sombres de la forêt, à l’affut du plus petit craquement de bois mort, du plus obsolète bruissement de feuille. Et, alors que la carriole était encore en vue, ses attentes se confirmèrent, allant dans le sens des dires du « Guignard », il y avait bien quelque chose…


Les ombres apparurent, d’abord une simple noirceur sur un tableau de verdure, une simple tache dans un océan de jade et d’émeraude, puis, ces fantômes de la pénombre devinrent chair et os, métal et peau rocailleuse, sang et haine.


Trois…Non quatre Elfes noires chevauchant ces reptiles aux dents aussi affutées que la hargne qui les habitaient se dévoilèrent enfin.


Le protecteur, impassible devant la vision de ses sombres cousins, tira sur la corde, lentement, tendant l’arc elfique sans effort, véritable extension de son être et, lorsque la flèche fila vers sa cible, cette dernière n’eut guère le temps de sentir le danger darder sur sa vie que la pointe s’enfonça dans sa chair à la base du cou, se glissant entre l’interstice de son armure de plaque, un geyser de sang pourpre éclaboussant l’ébène de sa cuirasse d’acier. Il s’écroula sur sa selle, buste en avant.


Ses compagnons d’armes réagirent en pestiférant, tout d’abord, cherchant des yeux leur agresseur faisant tourner leur monture, de droite à gauche alors que l’archange de la mort, l’archer des ombres réarmait son bras.


Puis, il décocha, le dard sifflant avant l’impact, avant de goutter au sang d’une nouvelle proie, avant de…Avant qu’elle ne se brise sur un mur invisible, sur un cercle de protection impie incanté dans l’urgence.


Avant que l’archer camouflé ne puisse réitérer son attaque, l’elfe blessé au cou, contre toute attente, se releva de sa selle, tenant son cou imbibé de sang, le bout d’une flèche cassée dépassant de sa main. Il proféra des ordres, d’une voix ressemblant à un gargouillis tant la blessure semblait profonde.


Et, ils firent de mi tour, retrouvant le refuge des arbres, laissant le maquisard seul…


Plus loin, le chariot continuait son avancée, soulevant la poussière de la route, la faisant s’élever dans les airs, tourbillonner pour mieux s’agripper aux voyageurs, pour mieux les recouvrir de cette pellicule cendrée, costume de nomades octroyé sans distinction.


Trois heures et le campement de Wolfenburg se dessinerait enfin devant eux, trois heures et la mission de ravitaillement serait enfin terminée, avec dans sa soute bien plus que de simples vivres…

3 longues heures.. 3 longues heures sur les chemins que Edhana avait decidé de mettre à profit pour detailler l'homme devant elle. Qui etait il, d'ou venait il?

Le doc lui avait dit de ne pas parler, le chemin du voyage en plus de l'etat du patient, allait suffisamment le fatiguer, il ne faudrait pas en plus qu'elle se mette à causer !

Et puis chanter, c'etait elle qui n'etait pas bien inspiré dans la drakwald..

par contre une chose l'attirait : c'etait la bourse que l'homme portait sur lui. une belle bourse noire.. peut etre y avait il un mot secret dedans ! Un mot qu'elle seule connaitrait ! un SECRET !!! qu'elle partagerait avec cet inconnu.

Peut etre etait il un prince, peut etre meme qu'elle lui plaisait.. peut etre un messager et dedans il y avait un diamant !

Avancant la main vers la bourse au moment ou l'homme avait les yeux fermés, elle fit tomber un pot rempli de baume et sentit la poigne encore ferme de l'elfe lui lancer "Pas de ca petite"

Le regard du doc, reprobateur ou decue, la fit ronchonner et elle se renfonça dans le charriot.

Vraiment.. c'etait pas un bon jour pour elle ! Sur qu'il n'aurait pas le droit a son coulis de fraise des bois comme Henkling, SUR !

Enfin, ils arrivèrent au campement.


Quelques Loups saluèrent de la tête leurs frères d’armes, d’autres ignorèrent purement et simplement le chariot, le ravitaillement étant d’une telle banalité que peu s’égosillaient de son retour.


« La hyène » mena la carriole jusqu’à la tente de stockage où les attendaient déjà le Lieutenant, rapidement mis au fait de l’arrivée du convoi.
Alors que « VertePogne », « PousseMégot » et « L’Aillevin » se divisèrent les taches, ci les chevaux, là les caisses de fournitures, « le Boiteux » posa son regard sur l’elfe blessé à l’arrière.


« C’est quoi c’t loque ? J’vous envoie au ravitaillement et vous m’ramener une bouse? J’espère qu’c’était offert par l’taulier pour l’achat, une sorte d’promotion, car si c’est vous qui vous êtes amusé à ramasser les loqueteux qui trainent, c’qui nous coutera en bouffes sera déduit vot’solde !! »


Un vétéran tenta bien une explication mais il fut rapidement sommer de se taire : « Ta gueule, toi !!! « La Hyène » aide l’toubib à transporter l’bouseux dans la tente des rabouteux. Quant à « la Torche », « le Guignard » et « la Mioche », direction tente du capitaine, il sera curieux, et moi aussi, tiens, d’écouter votre rapport sur l’pourquoi d’un bouffon dans votre parodie d’convoi !! Exécution !! »

Un dernier regard vers cette route.


Dernier à rentrer dans le camp, "Le guignard" tourna sa tête vers ce chemin qui s'enfonçait dans l'Ostland. Pas de signe de Silence. Il ne s'en inquiéta pourtant pas, cet archer hors pair devait savoir ce qu'il faisait. Il jeta son barda près du feu de camp alors en braise, s'étira, fit craquer son cou trapu. "Le boiteux" ne sembla pas remarquer cette silencieuse absence et s'enquit plutôt de hurler sur le premier qui croisa son regard.

En montant vers la tente du capitaine, "Le guignard" en trainant les pieds, songeait à la version qu'il allait sortir si jamais il serait interrogé.

Bizzarement, le nain avait plus peur de se diriger vers la tente du capitaine que lorsqu'il fut dans les bois avec les deux vétérans. Il arriva le premier, la gorge sèche. L'absence de Silence se faisait encore plus sentir à présent, et si "Le boiteux" semblait s'en foutre d'un royal absolu, "Malheur", lui demandera sûrement des comptes à ce sujet, en plus du "colis supplémentaire" ... ça faisait beaucoup pour lui, "La torche" et la gamine ne tardèrent heureusement pas.

Il était trop tard pour mettre sur pied une version identique pour tous. Le coeur du Guignard allait exploser sous sa lourde armure en acier.

Edhana jeta un regard peu aimable vers le boiteux. A vrai dire entre le boiteux et Malheur son choix était vite fait !!

Ne dormait elle pas dans la tente du capitaine toutes les nuits? Et puis, elle n'était pas encore vraiment une louve.. si fouet il y avait , elle passerait à coté...

trainant la patte car elle souhaitait savoir si l'elfe pouvait marcher, elle entra après le guignard dans la tente.