[AB] Chapitre 1 - Julia Baumstein

Dans le froid et la neige, avançait une petite troupe, peu chargée. De nobles coursiers blancs battaient la neige, avec sur leurs dos de grandes silhouettes.
Ilaënys n'aimait vraiment pas l'Empire. Il s'emmitoufla un peu plus dans ce qui lui servait d'habits chauds et à l'aide d'une petite incantation créea une douce chaleur pour réchauffer ses mains.

Depuis le début de cette nouvelle guerre, l'Empire était le réceptacle de nombreuses choses sordides. Finubar, le Roi Phénix, avait envoyé de nombreuses troupes dans l'Empire afin de contenir au maximum les forces sombres du Nord.
Ilaënys était devenu par un concours de circonstance malheureux, un des commandeurs de l'Ost du Roi Finubar, parcourant et veillant à la sécurité des terres du Vieux Monde.
Lorsqu'un de ces éclaireurs lui envoyèrent des signes alarmant de mouvement de forces du Chaos dans le Haut Col, il mit rapidement en branle un détachement d'Asur afin d'aller vérifier cela par lui-même.
Il laissa une grande partie de ses troupes dans la défense d'Ulthuan, car si l'on devait garder un oeil sur l'Empire, Ulthuan ne devait surement pas avoir à en patir. L'intérêt de l'ile était bien trop important.

Les elfes contournèrent facilement les plus grosses places prises par le Chaos grâce à l'aide aux guerriers fantômes en poste dans ces contrées.
Alors même que la troupe faisait une halte à l'abri du vent et de la neige, une discussion s'entame.
"Archimage, l'empreinte sombre est ici très présente. Vous devez surement sentir sa présence partout..."
Ilaënys aquiesca pour toute réponse.
"Je dois vous signaler cependant un mouvement étrange. Ce mouvement ne semble pas représenter une force de la Destruction. Ils ont d'ailleurs subi de nombreux petits assauts."
Le guerrier fantôme fit une pause puis déploya une carte des environs et pointa un lieu.
"Nous les avons suivis depuis qu'ils ont posé pied en ces terres gelés. Ils n'ont pas ménagé leurs troupes et se sont arrêtés ici. Vu le nombre de leur troupe, il est assuré qu'ils préparent quelque chose."
Ilaënys fixa la carte avec attention. Il se demandait ce que pouvait bien faire cette force en ces lieux. Il n'avait entendu aucun écho d'une offensive de l'Ordre.
"Que pouvez-vous me dire de plus?"
"De ce que nous avons constaté cette troupe est assez hétéroclite et malgré tout bien organisé. Nous avons pensé à des...chiens de guerre."
Ilaënys poussa un soupir.
Il n'avait jamais apprécié ces types marginaux. Il y avait assez à faire dans cette guerre sans qu'une troupaille de mercenaires ne viennent fourrer leur nez dans une zone sensible.
"Bien, menez moi à eux, j'aviserai."
Un officier lui rétorqua.
"Commandeur, croyez vous vraiment que nous devrions parler à ces...Mercenaires? Leur honneur se limite bien souvent à la charge de la bourse de ceux qui les engagent."
Ilaënys ne répondit pas et s'en alla directement en direction des chevaux.
Il ordonna seulement à quelques uns de l'accompagner. Le reste du bataillon pouvait rester se reposer.

Lorsque le camp arriva à vue, un guerrier fantôme qui avait été envoyé surveiller l'avancée de la troupe arrêta la marche.
"Il ne semble pas en état de se battre maintenant. Leurs hommes semblent fourbus. Ils abattent les arbres environnants pour construire ce qui pourrait ressembler à un camp."
Ilaënys regardait en direction du camp. On entendait les cris emmenaient par le vent.
"Comment les hommes peuvent-ils être aussi brouillons et bruyants... Bien continuons."
Ils arrivèrent rapidement à l'orée du camp mais avançaient prudemment. Les tentes commençaient à se monter et une mauvaise odeur de tambouille infestait la zone.
Il approcha de quelques gardes qui semblaient en protection du camp. Les gardes mirent mains sur leur arme à la vue de la troupe armée approchante.
"Ne soyez pas idiot, humains... Si nous étions là pour vous tuer, vous mordriez la neige sans jamais connaître d'où venaient les flèches...
Menez moi simplement à celui qui tient ce..."
Il fit une pause puis vint s'afficher un rictus sur son visage.
...camp."

Cyrix laissa la petite troupe approcher, tandis que, bras croisés sur son torse, il évaluait ses chances, dans le cas d'une escarmouche. Celui qui semblait être le chef s'adressa alors à eux.

"Ne soyez pas idiot, humains... Si nous étions là pour vous tuer, vous mordriez la neige sans jamais connaître d'où venaient les flèches...Menez moi simplement à celui qui tient ce...camp"

Le ricus moqueur sur le visage de l'elfe n'échappa pas à l'Officier des Loups qui lui répondit abruptement "Oui, et probablement que vous vous prendriez une balle, sans même entendre le coup de fusil... Cela fait tellement longtemps que je n'ai foulé les terres d'Ulthuan, que j'en avais oublié votre langue venimeuse et acérée. Tâchez cependant de ne pas vous couper imprudemment la bouche..."Cyrix pris un air distant, puis se frotta la joue là où se tenait une vilaine cicatrice"Ceci étant dit, on peut en débattre jusqu'à la fin des temps, ou bien vous pouvez me dire ce qui vous amène dans ce campement. Quant à la suite à donner à votre requête, j'en serai seul juge."

"Alana ! Qu'on aille me chercher Alana !" Ordonna le capitaine Kempel avec vigueur.

Nadrong Kreikansson, officier de la confrérie et accessoirement tavernier et brasseur du Squig Boiteux, lui répondit avec enthousiasme :
"J'vais vous la chercher capt'aine ! Elle doit être encore dans un coin en train d'renifler ses herbes aromatiques... J'vous jure, ces elfes..."

"Quoi encore ?" Hurla l'elfe à travers la tournante quand elle entendit gueuler son nom une fois de plus.

Les murmures éhontés qui s'élevèrent autour d'elle lui firent rapidement comprendre qu'il ne s'agissait pas d'une énième demande de la part d'un quelconque mercenaire mais du capitaine, lui même.

Étouffant un soupir exaspéré, la jeune s'emmitoufla encore un peu plus dans sa cape avant d'accélérer la marche pour remonter vers le haut de la colonne.

Elle arrive à temps pour entendre Nadrong déblatérer une fois de plus dans son dos.

"Mon capitaine ?" Lança l'elfe d'une voix glaciale tout en fixant le nain d'un regard noir.

Ilaënys éclata d'un rire froid. Ces yeux bleux perçants fixèrent le garde qui osait lui tenir tête.
"Les hommes sont donc à ce point simple d'esprit? Vous n'êtes qu'un garde...je n'ai rien à vous dire."
Derrière lui, un elfe s'approcha et lui glissa dans l'oreille quelque parole en Eltharin.
Ilaënys poussa un soupir.
"Humain, votre présence est troublante en cette heure et en ce lieu. Nous avons besoin de nous entretenir avec votre supérieur sur ce que vous venez faire ici."
Puis de rajouter.
"Nous n'avons pas de temps à perdre avec vous alors soyez un bon garde et allez rendre compte..."
Il fit un signe de la main tout en fixant le garde.

Cyrix renifla, contemplant encore une fois l'elfe devant lui.

"Ah, vous avez besoin... Malheureusement pour vous, pour l'instant, le Capitaine n'a pas besoin de vos services. Allez, au revoir, vous reviendrez quand vous aurez appris à répondre à une question "

Cyrix se retourna à moitié vers ses compagnons, poursuivant une conversation initiée tantôt, non sans avoir tout d'abord esquissé un signe de la main en direction de l'elfe, réplique exacte du geste condescendant que ce dernier lui avait adressé.

"J'ai une mission urgente à te confier..." Déclara Dietfried à Alana. "Nous ne sommes à présent plus très loin du bivouac et nous devons y retrouver les Loups d'Ostland. Tu vas partir de suite annoncer notre venue."

Il tendit à la jeune elfe un parchemin roulé et lui donna une tape sur l'épaule.

"Tu donneras ça en main propre à Malheur et à personne d'autre je te fais confiance. Que Sigmar te protège et s'il y a du grabuge en route reviens sur tes pas, ne risques pas ta vie bêtement..."

Un mot fusa entre les dents de l'elfe.

"Imbéciles..."

Il fixa les hommes qui avait repris leur discussion. Cette fois ci sa voix changea et son regard devint noir.

"J'ai répondu à votre question mais si votre cervelle est inadaptée à comprendre ma réponse alors je ne peux rien pour vous et je n'ai effectivement plus à vous parler.
Bien, je vais juste vous révéler mon nom afin peut être de partir sur de bonnes bases. Je suis Ilaënys Lùinwë, Commandeur des Ceyl Arhain Cynath.
Maintenant conduisez nous à votre supérieur ou nous serions contraints de nous y rendre par nous-mêmes."


/HRP
Juste pour Cyrix, je voulais te dire que tout ceci n'est évidemment pas à prendre au pied de la lettre, c'est mon personnage
Je préfère le préciser car cela peut être mal pris et ce n'est pas ce que je voudrais. J'ai juste été contacté par Malheur pour votre event et nous venons amorcer quelque chose afin de ne pas arriver comme un poil sur la soupe.

Pour survivre, il ne fallait pas être un loup. Pour survivre, il fallait être un chien.

Obéir vite à tous ceux qui étaient plus que des bleus, et ne pas montrer de signes de faiblesse à ses égaux. Des chiens dans un chenil qui se battaient pour des lambeaux de viande. C'est l'image qui serait venue à l'esprit d'Aelwyd s'il avait fallu décrire le groupe des louveteaux qui s'affairaient du mieux qu'ils pouvaient à répondre aux injonctions des sergents. Ils se parlaient peu, à peine quelques petits groupes s'étaient formés. Ils étaient pourtant forcés de travailler ensemble. Si un seul individu rechignait à y mettre du cœur, tout le monde prenait. Et le responsable de la punition collective avait deux mauvais quarts d'heure à passer pour le prix d'un. Un moment qu'elle n'était pas prête d'oublier. Certains ne lui avaient pas encore pardonné d'avoir osé suggérer à un supérieur qu'on pouvait ranger les tentes autrement pour gagner de la place. D'autres avaient fini par passer outre. Cette douche froide l'avait poussée à se démener plus que jamais, et surtout à essayer de gérer cette colère qui montait à chaque fois qu'on la traitait comme une moins que rien.

Et ils avaient marché vers le froid, peut-être vers la mort, en elle déjà pour ceux qui supportaient mal le climat doublé d'un épuisement chronique. L'avantage de ce rythme, c'est qu'on avait plus le temps de penser à rien, ni au passé qu'on regrettait, ni au futur angoissant. Pas de peur sinon pendant les quelques minutes qui précédaient le sommeil. Juste le temps de se demander ce que donnerait le lendemain, qui serait choisi pour nourrir les corneilles.

Quelle pensée idiote !

De même que l'instinct de survie se réveille quand on se trouve dans des situations périlleuses, de même la détermination de l'elfe se réveilla à l'idée qu'elle ait pu se considérer comme une perdante potentielle. Si un seul louveteau devait en réchapper, ce serait elle. Plus d'échec, voilà l'objectif qu'elle s'était fixée. Surtout pas quand il s'agissait de sa vie qu'elle avait déjà sauvé de peu.

Elle achevait de débarrasser les chevaux de leur crottin quand Oidhche vint se planter à côté d'elle. L'étalon avait senti la présence de ses semblables. Aelwyd releva la tête et regarda à son tour en direction du haut-elfe qui venait de se faire moucher sec par le sergent prompt de la gâchette. Pas de la compagnie. Plutôt bien placé à en juger sa tenue. Peut-être un noble. Et elle sourit. Elle venait de comprendre ce que signifiait entrer dans cette famille. C'était se libérer des étiquettes et pouvoir se moquer des grands alors même qu'on avait les deux pieds campés dans le fumier. Ne plus dépendre d'eux, mais au contraire les voir dépendre de soi.

Délectable.

Quand elle alla manger sa soupe, elle eut l'impression que sa saveur s'était soudainement améliorée.

"Aucun risque de ce coté là..." Murmura l'elfe en prenant le parchemin pour le placer à l'abri, sous son manteau.

Retournant sur ses pas, elle alla chercher sa monture et se hissa sur la selle. Jugée sur son cheval elle lança un dernier regard circulaire sur la troupe l'entourant. Elle adressa ici un signe de la main, ailleurs un simple sourire... puis elle tira la langue à un groupe de nain avant d'éperonner sa monture et de partir au trot.

"A plus tard ! J'vous attendrais devant un bon feu !"

L'elfe ne pu se retenir bien longtemps... elle était à peine hors de vue du reste de la confrérie qu'elle ressortie le parchemin de Dietfried pour le lire. Ah la curiosité... quel vilain défaut.

Les paroles de l'elfe furent suivis par des rires gras dans la petite troupe de la Compagnie qui gardait l'entrée du camp."Par vous-même ?! J'aimerais bien voir ça..."Cyrix n'en rajouta pas plus. Seul un fou pouvait oser proférer ces paroles, alors que plus d'une vingtaine de Loups vaquaient à leurs occupations à quelques distance, et que ces derniers se trouvaient eux-même au beau milieu d'un campement impérial emplis de soldats armés jusqu'aux dents. Sans compter d'autres personnes affiliées à aucune des ces deux forces, mais qui n'hésiteraient pas une seconde à se détendre sur quelques elfes belliqueux...
Et un fou n'obtiendrait jamais un entretien avec le Capitaine, pour sûr...

/hrp
Aucun souci de mon côté, mais c'est pas pour autant que ca ouvrira l'accès

« La taupe » portait son nom à merveille. En sus de cette paire de lunettes aux verres épais enfoncées sur un nez épaté, il avait surtout cette faculté d’être toujours à l’affut des moindres mouvements dans le camp, des moindres racontars.


La venue des elfes et le début de l’altercation arriva, de ce fait, rapidement aux oreilles du sergent du Hurlement. Sa prothèse sonnant tel le cor rassemblant les troupes, il traversa le campement, quelques hommes sur les talons, « la hyène » s’éclipsant rapidement sous les ordres de son supérieur.


Lorsque le Boiteux arriva, écoutant en approchant l’échange qui venait d’avoir lieu, « l’adoubé » était déjà au commande, s’opposant à l’arrogance de l’elfe avec son calme habituel. Il est vrai que « le Boiteux » aurait aimé avoir ce don mais il était plutôt du genre à aboyer sa rage au nez des autres plutôt qu’à se contenir, plutôt du genre à dégazer sous la couette au lieu de retenir ses effluves…Ajouté à cela la douleur que le froid ravivait dans sa jambe amputé et vous obteniez un vieux loup peut amène à la diplomatie.


C’est avec le cliquetis métallique en signe de salut que le mercenaire se campa près de son homologue.


« C’est quoi l’problème, l’nobliot, t’as ta selle qui t’remonte trop les balloches ou c’est not’vue qui t'donne la gerbe? T’es peut être pas habitué à voir des gars sévèrement burnés ? Ou alors, tu voudrais peut être qu’on t’accueille avec l’tapis rouge et un lancer d’pétales de fleurs… » Commença t’il sèchement tandis que derrière lui prenait place le bataillon d’arquebusiers ramené par « la hyène ». « Et pourquoi pas qu’j’demande à nos hommes de danser une farandole à poil avec une plume dans l’fion, non ? Alors pour être clair au cas toujours que l’cuir d’ta monture t’irrite plus que tu n’veux l’avouer, tu veux voir l’capitaine, bah commences par descendre d’ton trône à purin, fais montrer patte blanches, déposes tes armes et on verra avec l’accord de « l’adoubé » si t’as l’droit faire un pas dans l’campement. Pour l’moment, t’es en joue….Tu veux jouer, mon coco ? Ou alors t’as assez d’jugeotte et d’balloches pour t’exécuter ?»


Sa diatribe avait attiré plusieurs loups dont quelques bleus, les mains se posèrent sur les pommeaux…Au cas où...

Ilaënys n'était pas vraiment en position de force mais cela l'amusait. Il se tourna vers le nouvel arrivant et se mit à rire.

"Les humains n'ont ils pas encore appris à parler correctement depuis le temps? Le langage fait-il seulement partie de votre culture? Sachez que notre courage, nous l'avons prouvé plus qu'aucun d'entre vous ne saurait le faire."

Il fit une pause. Après un regard sur les mercenaires qui montraient leur armes, il fit un geste à ses elfes et ils descendirent tous de leurs coursiers. Les mercenaires ne plaisantaient pas mais lui non plus. Il savait les Guerriers Fantômes plus loin qui pointaient leur arc en direction des Mercenaires mais il n'avait pas envie que cela se transforme en bain de sang. Il n'était pas venu pour cela.

"Bien, comme vous le voyez, nos armes sont rentrées. Je n'ai pas le temps et ni l'envie de vous...lécher les bottes. Je veux seulement avoir une discussion sur votre présence ici avec vos supérieurs."

"Ouais, comme quoi, le language fleuri, y'a que ça que vous comprenez..." Cyrix lança un coup d'oeil entendu au Boiteux, avant de poursuivre "Si tu veux voir le Capitaine, c'est par ici. Tout seul. Tes copines restent dehors." Puis il s'éloigna vers le centre du campement, comme si l'accord était conclu, ne prenant pas la peine de vérifier si l'elfe le suivait ou non."Et je te conseille de garder ta langue de vipère dans ta bouche en sa présence, si tu veux pas qu'il s'en occupe façon abattoir."Le reste des paroles de Cyrix furent emportées par le vent glacial, tandis qu'il disparaissait au coin d'une tente, laissant le Boiteux finir de régenter l'altercation avec les sbires de l'étranger.

'Mes copines...'
Il ne sut pas vraiment pourquoi mais à cette pensée il se retourna et en distinguant ses frères Asur, il se mit à sourire.
Il suivit le mercenaire dans le centre du camp.

Les cheveux roux et longs, les yeux noirs comme la nuit et le regard tout aussi glacial que la neige, une elfe inspectait une nouvelle fois sa lame effilée dont on ne pouvait appercevoir aucun défaut apparent.

Relevant les yeux elle observa les yeux hommes qui avancaient : Cyrix et un de ses freres. Elle reconnaissait ce genre de démarche souple et assuré qui la renseignait sur le genre de personne dont il devait s'agir, et son regard ne devint pas moins dur pour autant.

Restant devant le rabat de la tente du capitaine, elle attendit sans bouger que ceux ci la rejoignent, ses yeux froids posés sur l'elfe.

Au devant d'elle, deux humains gardaient l'entrée de la tente, tenant leur rôle au sérieux, des armes rangées dans leur fourreau.

Un arc à portée de main semblait attendre que son propriétaire ne s'en serve.

Alana parcourut rapidement le message, quelque peu déçue.

"Blablabla... des platitudes encore des... ah tiens ! Mais... et depuis quand est ce que les nains... humpf... bref !"

Énervée, la jeune elfe rangea vivement les documents avant de talonner encore plus rudement sa monture; plus vite elle y serait, plus vite elle sera au chaud.

Plusieurs heures plus tard, l'elfe atteint enfin un campement ou elle pu distinguer les armoiries des loups. Insouciante, elle avait poussée sa monture aux limite de son endurance. Les coursiers des humains lui étaient trop étranger pour qu'elle songe à les ménager. C'est donc juchée sur un cheval complètement exténué et couvert d'une écume luisante qu'elle pénétra dans le campement des mercenaires.

Elle arriva à temps pour assister à une vilaine altercation entre un elfe et un homme portant l'insigne des loups. Ce qu'elle vit la dissuada de chercher de quelconques ennuis...

"Le bonjour... j'apporte un message pour votre capitaine de la part de la Confrérie des Mercenaires du Reikland." Lança t-elle quelque peu mal à l'aise. L'elfe avait beau avoir l'habitude d'évoluer au milieu de gueule cassée, il ne s'agissait pas de celles qu'elle avait l'habitude de côtoyer.

"Hum.. donc, je descend de mon tro... euh.. de ma monture et je dépose mes armes." Joignant le geste à la parole, l'elfe mit pied à terre et entreprit de sortir de leur fourreaux l'épée et les différentes dagues pendant à sa ceinture.

Henkling frotta lentement le revers de sa main sur le pan humide d’une chemise, et son visage se contracta curieusement sous l’effet de la douleur. Les yeux du Demeuré cherchèrent machinalement le petit ruban feu-ocre qui pendait à son poignet, et l’observèrent longuement, cherchant dans les plis disgracieux du tissu les réminiscences d’un vent d’été et de jours meilleurs. Autour de lui, le monde s’agitait, le camp se levait, des étrangers venaient d’arriver, des officiers vociféraient leurs ordres, une bataille se préparait. Ce monde-là était un désordre indescriptible, terriblement oppressant, et l’Epouvantail était d’autant plus désorienté qu’il devait l’affronter seul. Pour son plus grand désespoir, sa Belle s’était fâchée, et la céleste Boudeuse grommelait dans un recoin de son esprit. .

Passée la fierté de se voir accepté, et passées ses premières rencontres joyeuses avec ses nouveaux complices (ce linge aux forts relents de musc, d’urine ou de sang qu’il étendait, purgeait de ses maux avant de lui donner un instant de repos près d’un feu), Henkling avait connu les affres d’une nouvelle naissance. Ce n’étaient pas cet air si froid qui perforait ses poumons ou le lancinant éclat de la neige aveuglant ses yeux qui lui donnait cette impression, mais bien plutôt la rencontre et la promiscuité de cette race terrifiante et exubérante que sa Belle avait absolument cherché à éviter : Henkling venait d’entrer dans le monde des hommes. Et il ne l’avait fait que par une volonté curieuse qui s’était imposée contre Son Idole, contre sa Belle.

Revêche à l’idée de son enrôlement, Elle avait été totalement prise de panique en apercevant l’enchevêtrement inextricable des tentes au milieu desquelles une foule incroyablement odorante et sonore creusait des sillons disgracieux de boues. Dès lors, elle avait exhorté, supplié, menacé et torturé son hôte, le sommant à fuir cette folie, à revenir dans un monde plus compréhensible, un monde où la norme voulait qu’une écorce d’arbre fût bavarde ou qu’un buisson automnal fût spirituel, et où le murmure cathédral de la terre vous berçait avant l’engourdissement du sommeil. Poussé par une pulsion qu’il jugeait paradoxalement suicidaire, Henkling avait tenu bon, et son oreille était resté sourde aux suppliques de la Douce, obstrué par l’idée incongrue et imprécise qui s’était enracinée dans son esprit : « Je suis loyal ! »

Alors, ivre de colère, La Belle avait prodigué un ultime conseil à son infidèle amant :

Ecoute la fillette.

Puis, elle s’était tue, laissant l’Epouvantail transi de froid et de tristesse. Pour Henkling, ces dernières paroles résonnèrent naturellement comme une inspiration divine, et il s’attela dès lors à suivre pieusement les prescriptions de sa Bien-Aimée. Cette gamine aux gais cheveux était au demeurant aussi gentille qu’insupportablement diserte, mais l’Epouvantail s’infligeait cette torture de bonne grâce, en attendant avec fébrilité l’heure de la réconciliation.

Autour de lui, le ton était monté, l’humeur des officiers était massacrante, et la Jambe avait fait une apparition remarquée, suivi par une bonne douzaine d’hommes, peut-être plus. Un nombre croissant de personnes s’affairaient autour des étrangers. Ennuyé par tant d’effets, Henkling se saisit du seau imposant qui contenait son labeur, réprima un cri de douleur lorsque ses mains se saisirent de l’anse, puis s’éloigna en souriant aux chemises harassées qui s’empilaient piteusement dans le récipient.

« Je frotte, et j’essore ! Puis, nous faisons connaissance. »

Le dénommé Ilaënys Lùinwë, obtempéra clairement plus pour gagner du temps que par rémission ce qui permis tout de même de faire baisser un peu la tension des premières minutes. Tout le long de son escorte jusqu’à la tente du capitaine, les yeux des loups, pupilles sauvages à la lueur prédatrice, le fixèrent, certains marmonnèrent à son passage mais d’aucun ne relancèrent les hostilités.


De son côté, le sergent du Hurlement s’apprêtait à continuer sa ronde quand une nouvelle voix s’éleva.

"Le bonjour... j'apporte un message pour votre capitaine de la part de la Confrérie des Mercenaires du Reikland."


« Bah, v’là qu’après l’paon aux plumes profondément ancré dans l’cul qu’on nous ramène l’pigeon voyageur … » Lança le sergent comme à lui-même.


"Hum.. donc, je descend de mon tro... euh.. de ma monture et je dépose mes armes." Reprit la nouvelle venue en joignant le geste à la parole.


« T’as tout compris...Mais l’Capitaine doit être en train désosser une volaille à échasses… » Répondit il en faisant signe du menton vers la direction prise il y a peu par le commandeur.


Puis jugeant l’état pitoyable du cheval, il ajouta : «Les mercenaires du Reikland, hein..... Se grattant la barbe, il continua :"« La Montagne »…Emmènes donc le cheval aux écuries, dit au « Ténor » d’l’requinquer. Et toi, l’messager, viens avec moi. J’vais donner un bol de gruau. Vu la gueule d’ta bête, t’as du manier la cravache comme « le Bouc » manie son engin. Tu dois avoir l’calefouette dans les godasses. "


Tandis que le boiteux tourna les talons et commença à décamper, cliquetant à chaque pas, une montagne de muscles, le cou aussi large que celui d'un bœuf empoigna les brides de la monture et l’emmena aux palefreniers.

"L'pigeon compte bien remplir son rôle avant d'aller becter !" lâcha t-elle avec effronterie.

L'elfe se sentit soudain toute petite au milieu d'hommes tel que "Le Boiteux". Elle avait beau avoir l'habitude de se faire chambrer par ses camarades mercenaires, c'était différent cette fois. elle n'était pas chez elle. Mais elle garda cependant la tête haute en poursuivant.

"J'ai pour mission de déposer un message, sans délais. Je compte bien la remplir. Votre capitaine pourra bien en prendre connaissance entre deux bouchées de sa dinde ou se torcher avec, je m'en moque. Je remplis ma mission."

Tout en parlant, elle sortit le parchemin que Dietfrid lui avait confié auparavant pour le tenir devant elle.

Lorsqu'Alana arriva devant la tente du capitaine, elle pu voir par l'ouverture largement ouverte, le rabat étant accroché sur le côté, un homme d'une trentaine d'année, façonné par la guerre, le regard dur, le visage sévère et buriné par le rude climat nordique, sur lequel retombait quelques mèches de ses cheveux roux. En entendant le cliquetis des pas du boiteux, il releva la tête porta son regard vert sur la jeune femme. Il semblait apparemment occupé avec un elfe de belle allure et aux beaux atours. D'un geste de la main, il invita un homme en armure qui se trouvait à ses côté, à aller chercher le message pour le lui ramener.

"...Je remplis ma mission.

La mâchoire du Boiteux se crispa, ses poings se serrèrent...Et avec une envie de meurtre...Mais le message pouvait avoir son importance...

" Ecoutes moi oiseau d'malheur, on va s'rendre prêt du capitaine et si j'apprends qu' ton message c'était du vent, un pet laché en s'cret et qu'l'odeur m'tarabouine le museau, j'm'en vais moi même t'clouer les ailes!!! Clair!!! Suis moi!!"

D'un pas assuré, quoique chaloupé tout de même, le boiteux se dirigea vers la tente du Capitaine, l'elfe sur les talons.

Les nuits….On pourrait penser dans l’ensemble qu’elles se ressemblent toutes, qu’importe le lieu, qu’importe l’endroit, c’est toujours ce même firmament bleu sombre s’étendant à l’infini, ces mêmes étoiles, phares perpétuels guidant le naufragé, nous contemplant de la voute céleste, ce même silence couvrant de son lourd manteau les terres environnantes,…


Et pourtant, chaque lieu, de part son histoire, de part son atmosphère, de part les peuples qui y habitent, habille les nuits, les transforme, les rend unique, voir intemporel.


Une nuit à Altdorf peut, par exemple, emporter son lot de badauds dans les méandres des rues sinueuses de la cité impériale, les débauchant pour plusieurs heures. La place du marché se déserte alors au profit des maisons de passes remplaçant la criée des négociants par les soupirs étouffés des filles de joie dans l’oreiller.


Une nuit dans la taverne des 2 rivières, situé sur la route de Kiel, amène les pèlerins jusqu’à son antre, ces arpenteurs des routes se retrouvant, à peine le pas de la porte franchie, happés par la douce chaleur d’un feu de cheminée, les rires gras des habitués, le bruit des choppes s’entrechoquant et les effluves de sanglier accompagnant leur solitude pour une soirée éphémère mais O combien salvatrice.


Une nuit à Rauskel, petit village de pêcheurs à quelques kilomètres à l’est de Neues Emskrank, se passe tranquillement, calmement au fil des clapotis des barques sur la rive. Une nuit privilégiée où enfants et parents, maris et femmes, se réunissent autour d’un modeste diner, les assiettes presque vides contrastant avec le foyer empli d’amour.


Et puis il y a cette nuit au Haut col…
Au coucher du soleil, déjà, l’horizon se teinta de pourpre, prémisse d’une nuit sanglante, d’une nuit violente, d’une nuit longue et interminable.


Cette nuit…Qui résonna des sabots ferrés des chevaux percutant le sol rocailleux, rythmant la charge des Ceyl Arhain Cynath, charge menée par le Commandeur lui-même, lançant leurs montures, lui et ses hommes, à bride abattue dans la bataille, percutant de plein fouet le flanc exposé de l’armée adverse, faisant jouer dans leurs mains expertes, leurs épées étincelantes, ultime révérence à l’astre lunaire avant que les lames miroitantes ne deviennent écarlates.


Cette nuit…Qui vit L’Ordre du Saint Marteau déferler sur l’Ost du Nord, se déversant sur l’ennemi telle l’eau purificatrice, dévastant les terres impures, déracinant les arbres souillés, nettoyant chaque parcelle de terre par un déluge de versets sigmarites et de coup de marteaux cerclés de fer.


Cette nuit toujours…Nuit durant laquelle la Confrérie des Mercenaires du Reikland traça son empreinte dans les rangs nordiques, sillon de sang et de feu sur les corps impies, semant la graine de la mort, tranchant, coupant, frappant avec comme détermination le miroitement d’une solde juteusement gagné.


Cette nuit enfin…Heure idéale où les loups d’Ostland sont de sortie, galvanisés par l’odeur métallique du sang et celle plus acre de la peur, ces loups assaillant les chaotiques, tournant autour de leur proie, les prenant sur les flans puis faisant front, bondissant en arrière pour mieux les chopper au cou, la carotide en ligne de mire. Dans cette danse synchronisée où chacun devient l’autre, où la meute ne fait qu’un, le jeu de jambes final est fatal pour l’ennemi.


Cette nuit…où l’on pourrait presque entendre, alors que les troupes adverses trépassent sous les coups conjugués d’une alliance fortuite, hurler à la lune un loup au pelage roux comme pour sommer aux Dieux de mirer la puissance de l’unité face à la marée incessante des serviteurs des ténèbres.





On pourrait croire qu’avec la conquête du fort, qu’avec la déroute des troupes nordiques en faction, le calme reprendrait ses droits, que le vent emporterait l’odeur de la poudre au loin et que les terres termineraient de se repaitre du sang versé. Mais le fort n’était qu’un passage obligé, une étape, un acte transitoire vers un final plus sombre, une somnolence éphémère menant à un sommeil plus profond, sommeil trouvant légitimement place dans le berceau de la nuit.





Et c’est bien elle qui fut de nouveau le témoin de leur marche, elle qui, de part sa clarté, permit aux troupes du Commandeur Ilaënys Lùinwë de trouver les empreintes laissées sur la croute neigeuse, elle toujours qui les épia, juchée du haut de sa tour céleste, prendre en chasse les fuyards et dans le même temps l’otage recherché, elle, enfin, qui fut spectatrice de leur sombre découverte à la lisière d’une forêt de ce temple couleur ébène à l’aura corruptrice.





Le sanctuaire s’élevait ainsi, haut dans le ciel, pied de nez à la face céleste, défiant la nuit de balancer son savoir sur les rituels et cérémonies qu’elle fut l’observatrice. La masure respirait le mal, les murs semblaient palpiter, tel un cœur déversant dans les veines de la terre et des hommes sa noire empreinte. De l’intérieur s’élevait des chants, complaintes et litanies occultes adressées aux Dieux sombres… Etrange qu’avec toutes ses louanges, aucun d’eux ne prévint ses disciples de l’entrée fracassante de leurs ennemis.





C’est donc dans l’étonnement général, stoppant leur léthargie mystique, que les cultistes accueillirent les 4 armées : Ordre du Saint Marteau, Confrérie des Mercenaires du Reikland, Ceyl Arhain Cynath et Compagnie des Loups d’Ostland frappèrent rapidement, profitant de l’effet de surprise pour gagner les premiers mètres de la Cathédrale impie sans une égratignure…Du moins de leur côtés car déjà plusieurs cadavres, pantins désarticulés dans les mains amusées de la faucheuse, gisaient au sol.


A l’unisson, les fanatiques ripostèrent et la nuit se remplie de nouveau des détonations, des crissements de lames sortant des fourreaux, orchestre mortuaire d’une symphonie martiale dans laquelle ténors et cantatrices sont légions, donnant de la voix à chaque coup d’estocs et de taille, cri d’agonie des assiégés emplissant le temple de l’acte final de leur vie.


Inlassablement, les cultistes tombaient, inlassablement, d’autres arrivaient, inlassablement…


Tandis que le plus gros des troupes maintenait le flot continuel de chaotiques en respect, un détachement continuait son avance jusqu’à une pierre macassar. Le monolithe, phallus d’ébène aux veines nacrées, irradiait le mal et la puissance, force et violence et malgré le caractère figé de cette matière minérale, plusieurs ondes de chocs cueillirent les fous osant le détruire. Comme en réponse au cri de détresse du mégalithe, le grand prêtre du temple, l’orateur privilégié de ce sanctuaire, celui qui se doit d’avoir la ferveur de ses disciples lévita jusqu’à l’assemblée, telle une feuille d’automne tombant de l’arbre affaibli, si ce n’est que faiblesse n’était qu’apparat qui jeta à la face des envahisseurs pour révéler sa force et sa fureur. Le combat fut d’une violence telle que même la lune se voila derrière un nuage, préférant se perdre dans les brumes que d’être témoin d’une telle brutalité, bestialité car d’homme le prêtre devint monstre, reptile gigantesque prêt à happer les guerriers dans les méandres de sa gueule titanesque.


Mais il succomba…

…

Il y a des nuits qui paraissent interminables, éternelles…Imaginez celle d’un homme ayant tout perdu, imaginez celle d’un homme n’ayant pour espoir que de voir s’arrêter sa douleur, que de voir la mort en face, mettant fin à d’abominables tortures, un homme ayant choisi de vivre reclus dans son esprit plutôt que d’assumer les souffrances perpétuées…


Imaginez maintenant qu’au bout du tunnel, comme une éclipse surprenant l’incrédule, une lueur apparaisse, imaginez que l’on vous extirpe de votre cauchemar, que l’on vous traine jusqu’à la sortie du temple, que le vent fouette votre visage et que vous posiez des yeux livides sur vos sauveurs, sur ces mercenaires nommés Loups d’Ostland et mercenaires du Reikland, sur ces hommes pieux du Saint Marteau ou sur ces fiers elfes de Ceyl Arhain Cynath, imaginez alors l’espoir sans doute retrouvé lorsque l’homme entendit alors : « Vous êtes Sir Bausteim ? »


Imaginez sa joie lorsque ce nom raviva en lui assez de force pour qu’il acquiesce…Il venait de regagner un brin d’humanité…





Il y a des nuits où tout peut arriver…

La journée qui précède une bataille peut se passer de bien des façons. Chacun gère le temps qui passe de façon différente. Certains en comptent chaque seconde, ne pensant qu’à cela et maudissant ces grains de sables qui filent irrémédiablement, pestant contre une technique pas encore maîtrisée ou une lame qu’il fallait encore aiguisée. D’autres décident de se vider l’esprit, et de profiter de ces quelques instants de calme avant la tempête à venir, et de puiser des forces dans quelques éclats de rire et d’un peu d’alcool au coin du feu.

Ranulf pouvait voir ces différents comportements lorsqu’il parcourut le campement des Loups dans l’après-midi. Chacun appréhendait comme il pouvait la bataille à venir. Le prêtre-guerrier quant à lui, occupa une bonne partie de sa journée à prier pour la Compagnie auprès d’Ulric. Cela faisait quelques temps déjà qu’elle n’avait pas combattu en Meute, et la première Chasse est toujours très importante.

Et puis ce fût l’heure du rassemblement et de l’énoncé des objectifs. La partie serait ardue : délivrer un prisonnier se trouvant dans une forteresse tenue par le Chaos. Pour se faire, la Compagnie avait fait appel à d’autres Meute : la Confrérie des Mercenaires du Reikland, l’Ordre du Saint Marteau, et les Ceyl Arhain Cynath. Cet apport, en plus du sang frais des louveteaux, rendait l’opération assez sensible puisqu’il s’agissait de la première bataille où ses forces étaient réunies côtes à côtes.

Ranulf tenait l’étendard bien droit, dont le tissu claquait sur la hampe, accompagnant les ordres des sergents des Loups. Et puis vint le moment espéré pour beaucoup, craint par certains mais attendus par tous : l’ordre de montez à cheval. La Meute se mettait officiellement en Chasse.

La déferlante fût aussi efficace qu’elle fut rapide. Profitant de la relative obscurité, la Meute parvint rapidement aux portes mêmes de la forteresse, après avoir écrasé littéralement la faible garde des remparts. Le prêtre-guerrier s’était transformé en véritable Loup, ne perdant pas de vue les guerriers assignés à la charge, les suivant en leur apportant le soutien nécessaire, en frappant les chaotiques ou en priant Ulric de les protéger un bref instant. Ecrasez le marteau sur le visage d’un ennemi, exhortez à avancer et à poursuivre l’effort, insultez les chaotiques, venir au secours d’un guerrier en le bénissant, et recommencer le cycle. Mordre encore, et encore et encore, jusqu’à ce que le gibier, pris à la gorge, succombe à sa blessure, laissant le sang qui coulait jusqu’alors en flot continu dans la gorge, diminuer, ralentir, jusqu’à se tarir. Le seigneur de la forteresse était tombé.

Mais la où le Loup devait alors se nourrir du gibier, où il pouvait relâcher ses muscles et ses sens, et profitez de la Chasse, les Loups à 2 pattes devait, sans perdre une minute, se mettre à la recherche de leur cible. C’est ce qu’une partie fit, alors que les autres s’occupaient de mettre en place hâtivement la défense de la Tanière récemment conquise. Les Loups et leurs compagnons de chasse se mirent alors à renifler partout. Mais de l’intérieur, pas d’autres constats que des ignominies réalisées en l’honneur de Tzeentch. Et c’est seulement après avoir repoussé un assaut des forces de la Destruction que la situation se débloqua, après le rapport de l’un des éclaireurs de Ceyl Arhain Cynath. Une piste avait été découverte, laissée par des fuyards.

Une partie de la Meute perça alors la marée de la Destruction qui avait pris placé à quelques distances des remparts, une charge puissante mais délicate, qui ne vit sa réussite que dans la rapidité de la sortie, et de la proche distance du campement de l’Empire. Et bien que la Chasse continuait pour la plupart, le prêtre-guerrier, ne put y participer. D’un revers de main, il s’essuya un front couvert du sang de leurs ennemis, avant de mettre pieds à terre, et de se diriger vers la tente où les blessés commençaient à être acheminé. Et toute la nuit, pendant que ses frères continuaient leur mission, le Serviteur du Loup Blanc s’occupa des braves ayant versé leur sang pour la Meute.


Les louveteaux avaient eu leur baptême du sang et les vétérans en avait retrouvé le goût après une longue période d'abstinence. Au final, une nuit pas si mauvaise.

Les ordres qui portèrent les Loups au combat furent accueillis par Henkling comme une singulière bénédiction. L’Epouvantail avait d’abord accueilli avec étonnement la tension soudaine qui s’était emparé des hommes lorsqu’un instrument particulièrement désagréable assortis des vociférations d’usage avaient sonné le rassemblement. Naïvement, il avait posé son seau sur une vieille pierre et avait laissé ses pas suivre ces compagnons qui serraient leurs poings et leurs armes comme si leur vie en dépendait (et de fait, elles en dépendaient). Bien sûr, aussi insignifiant que fut l’Epouvantail, on ne l’avait pas oublié. Le Sergent l’avait prestement renvoyé aux seules occupations dont on le jugeait digne : braver le froid, et laver le linge.

Très vite, les silhouettes de la Compagnie avaient été avalées par le brouillard, et Henkling se trouva alors quasiment seul au beau milieu d’une mer immobile de tentes, de tonneaux et de détritus. Certes, on avait laissé là quelques gardes pour dissuader les pilleurs, mais les bougres étaient obstinés, et restaient insensiblement immobiles, à la lisière du campement, grelotant au contact de la brume. Henkling se trouva tout à coup plongé dans son monde, et il se mit en devoir de faire un festin à sa manière, en commençant par le silence. Henkling s’en délecta longuement l’avalant à grosses goulées. C’était le silence du vent qui caressait le flanc de la montagne, celui de la terre et de son grondement sourd, c’était ce bruit qui venait de nul part et l’assaillait de tous les côtés, c’étaient les chiens qui n’aboyaient pas, et les Loups qui ne parlaient pas. Sa Belle le boudait, mais même sans elle, l’Epouvantail le sentait confusément : c’était un beau moment dont on pouvait tirer quelque félicité. Henkling soupira, et observa sa main. Une flamme, une étincelle, voilà ce qui manquait à cet idyllique décor. Sa paume s’ouvrit, et la longue carcasse attendit, guettant dans le tressaillement de ses doigts la chaleur réjouissante d’un brasier. Quelques longues minutes plus tard, sa main se referma à regret, gelée, juste avant que la neige ne l’engloutisse définitivement. Sans sa Belle, il ne valait guère mieux en effet qu’une vieille lavandière sans autre talent qu’une friction énergique des fripes. Un saillie vocale déchira alors subitement son cerveau.

Le feu t’est interdit. N’essaie plus.

Vivement, Henkling se retourna, et son cou se tordit avec frénésie pour trouver l’homme qui lui avait parlé. Autour de lui, rien n’avait changé. Les Loups de garde grommelaient d’ennui et le vent s'entêtait. L’inquiétude s’empara de l’Epouvantail, et il courut se réfugier dans la tente de l’intendance, négligeant son linge et son labeur. Il attendit là de longues minutes, fébrile, recroquevillé au sol. La Voix ne réapparut plus. Au demeurant, elle avait été effroyable et d’autant plus déconcertante qu’elle s’était exprimée tout comme sa Belle, agitant son esprit sans troubler l’air, murmurant à son oreille sans que nul autre que lui ne pût entendre. Mais la comparaison s’arrêtait là. Elle était bien éloignée de la gouaille chaleureuse et ronde de la Maîtresse qui le couvait depuis si longtemps. Cette Voix, qui l’avait surpris au bord de l’interdit, cette voix-là était à la fois impersonnelle, vibrante comme un fil d’acier, et pour tout dire terriblement désagréable, baignée d’une condescendance et d’une assurance démesurées. Pour tout dire, elle était pareille à la raillerie d’un vieillard qui se voulait sage et en savait beaucoup trop pour rester aimable. Une voix aussi acerbe méritait un nom compliqué : Henkling la nomma Le Péremptoire.

L’Epouvantail dut cependant convenir d’une chose : Le Péremptoire ne manquait pas de bon sens. Lors de son acceptation, le Capitaine lui avait formellement interdit tout usage de ce feu magnifique, et avait cherché à se faire clairement comprendre : toute transgression l’envoyait lui-même au bûcher. Les réprimandes du Péremptoire avaient été humiliante, mais Henkling s’aperçut enfin que ce nouvel Invité n’était pas maléfique. C’était un Ours sarcastique qui prodiguait conseil. Cela ne rendait bien entendu pas sa compagnie plus agréable.

Le Péremptoire ne se manifesta plus, et Henkling fut aussi soulagé qu’un marmot échappant à la sentence paternelle. Il s’en retourna à son travail, priant intérieurement pour ne plus jamais subir à nouveau d’aussi désagréable rencontre. Comprimant avec sa main la petite bande de tissu qu’on lui avait offerte, il songea qu’il n’avait pas vu la fillette depuis un long moment, mais crut fort simplement qu’on l’avait emmenée au combat. Sur le coup cela lui parut une raison tout à fait acceptable. Avec un frémissement involontaire, il attendit les remontrances du Péremptoire, mais celles-ci ne se manifestèrent pas plus qu’avant. Il ne s’agissait peut-être après tout que d’un vagabond de passage qui ne reparaîtrait plus. Heureux, Henkling réconforta avec douceur une chemise qui dépassait du seau, et s’entretint longuement avec sa Belle. Elle était muette, opiniâtre, mais Elle l’entendait, assurément, et l’Epouvantail était fermement décidé à se réconcilier avec elle. La place qu’elle avait laissé vacante était bien mal fréquentée pendant son absence.

Un son clair et cuivré déchira la nuit. Au loin, deux camps que tout opposait se déchirait pour quelque trésor brut qui ne demandait qu’à honorer son vainqueur, et la mort dansait joyeusement autour d’eux. La Meute venait de se jeter sur sa proie.