[Edana] L'aube

la page vide... la feuille blanche... et le soleil se levant illuminant celle ci et lui donnant une douce couleur dorée.

Voila la vision que je préfère. Une page où rien n'est écrit et donc tout est possible, illuminé par le soleil de l'aube d'une journée naissante. Personne ne sait ce qui arrivera aujourd'hui, les jours ne ressemblant jamais aux précédents.

Oh bien sur, il y aura toujours les louveteaux ou les jeunes loups pour dire le contraire, mais moi.. moi je sais... J'ai vécu suffisamment d'années parmi eux pour le dire : Chaque jour apporte quelque chose de différent : une odeur, un lieu, un événement. Même la plus infime des traces libère sur son passage une odeur inconnu et l'exaltation de la nouveauté.

Voici ce que j'aime tant dans la vie que j'ai ici, la nouveauté.. le plaisir des rencontres, des lieux diverses, de la survie. Je suis la seule louve ayant vécu parmi eux depuis mon enfance. A peine gardé je un souvenir de ma vie précédente, celle qui était la mienne avant qu'Einar le constant ne me donne à Malheur et à ses loups pour m'éduquer. A peine... quelques flammes, la peur, le souvenir d'une femme, surement ma mère. Et le reste? Je l'ignore. L'aube ne s'était pas encore levé.. et l'improbable avait eu lieu : une gamine parmi les loups, une enfant chez les mercenaires.

Voici bientôt 9 ans que je suis parmi eux. Pourquoi Einar m'a t'il recueilli? Personne ne l'a compris, pas même moi. Lui qui n'était pas connu pour être particulièrement doux et prévenant. Peut être le seul moment de bonté qu'il n'ait jamais eu. Peut être n'étais je qu'un souvenir pour lui...

Y a t'il eu loup plus hétéroclite? Magicienne sans le vouloir, j'ai connu les plus grands châteaux et le plus petit des réduits.. j'ai vécu bien plus d'aventures que ceux qui viennent mendier une place chez nous, et aujourd'hui, comme toute louve, je dois trouver ma place et offrir ma gorge au chef de meute.

L'aube ne fait que se lever, ma vie ne vient que de commencer.

"Quelle voie vas tu choisir ma louve?"

"la mienne."

Je vois son sourire moqueur, je m'en amuse même. Il aime les femmes de caractère, et j'aime le faire réagir. Trop parfois, mais toujours avec un rictus au coin des lèvres.

D'ailleurs je le trouve beau ainsi. Il ressemble à un loup et j'aime apercevoir l'éclat de ses canines qui le fait ressembler tant à notre animal protecteur.

D'ailleurs il a quelque chose du loup en lui. Une chose que je ne pourrais expliquer mais qui me fait frissonner.

Un jour je serais louve.. et ce jour la il saura que j'avais raison : J'aurais toutes les voies et aucune à la fois.. je serais La Louve.

Le soleil va bientôt se coucher sur cette journée alors que je vois l'écervelée revenir de son travail. A t'elle vraiment aujourd'hui étrillé les chevaux ou n'en a t'elle que donner l'air, soutenue par la gousse.

Elle se dirige vers le centre du camp sans doute pour y chercher sa nourriture. La gousse peut difficilement lui trouver mieux que la ration que nous recevons tous.

Personne ici n'agit de manière désintéressée, du moins sur une si longue période. Je suppose que La Gousse ne fait pas exception. Que cherche t'elle à travers l'écervelée? A l'aider..? j'en doute, je ne pense pas que laisser cette jeune femme se désolidariser ainsi de la meute soit une aide. Un jour ou l'autre un loup en aura assez... un jour ou l'autre la gousse ne sera pas là... et même si je ne suis pas prophétesse, un jour ou l'autre il lui arrivera malheur.

Il y a déjà tant de danger hors de la compagnie, pourquoi pousser l'écervelée à braver ceux à l'intérieur? Non la Gousse ne cherche surement pas à l'aider... Que peut elle tirer d'elle alors? Les rumeurs sont elles vraies? Veut elle vraiment que cette jeune fille finisse dans son lit?

Tant de questions... et si peu de réponse. Il ne faut pas compter sur la nouvelle pour choisir entre le travail et le travail de puterelle... ce dernier est il si agréable qu'elle semble lui tendre les bras?

Finalement la noblesse n'est jamais bien loin des bas quartiers...

"Je te supplie d'une chose: pas le fouet.. la bastonnade tant que tu veux, mais pas le fouet !"

Le Loup me regarde avec surprise.

"La bastonnade est une punition pire, pourquoi refuser le fouet?"

"Je ne sais pas... mais pas le fouet."

"Soit, si tu veux, mais tu ignores la douleur d'une bastonnade"

"pas le fouet..."

Je mens... je sais pourquoi je ne veux pas le fouet.. je lui mens mais je ne me sens pas capable de lui expliquer..

Je revois ces images des esclaves que l'on a croisé il y a 5 ans sur le chemin pour un de nos nombreux contrats. Je revois leur dos.. la marque des esclaves.. je vois le dos de ceux qui sont "marqués" par cette signature indélébile dans la compagnie quand ils prennent leur bain.

Je ne veux pas faire partie de cette "caste".

Quant à la bastonnade, a la différence de ce que croit le Loup je connais... ne m'a t'il pas livré à mes bourreaux il y a deux ans? il ne savait pas ... et aujourd'hui encore il ignore.

Je ne ferais jamais partie de leur caste. Je suis mercenaire, pas esclave.

J'ai beau fermer les yeux et essayer de m'évader, j'entends encore ses hurlements... des hurlements inhumains, comme si la douleur et la peur faisaient que tous les êtres retrouvent l'animal qui est en eux.

Celui qui hurle n'est plus qu'une loque, un chien, un rat... il a peur, il souffre... tous les loups le ressentent en cette nuit.

Je regarde la lune pleine et j'essaye de m'évader, d'oublier ce qui se trame dans la tente des prisonniers.

J'ai pu voir 3 doigts y rentrer, il aura surement quelques phalanges supplémentaires à suspendre à son collier bientot. S'agit il de l'espion que nous avons ramené ? surement...

Glissant les yeux sur les loups présents, je remarque que ceux qui sont ici depuis plusieurs années ne semblent même pas entendre.. tandis que les louveteaux vivent très mal cette promiscuité avec un tel animal...

Moi même, je dois oublier tout cela... je trouverais alors le sommeil.