« Si t’attends qu’j’te tire la chaise tu peux dégager du plancher bouseuse… tu m’déranges ! »
Sursautant le sergent vétéran observa la naine devant lui, habillée en civil, cette dernière payait pas de mine, juste une toile de jute huilée a ces pieds, elle se dandinait visiblement mal a l’aise
« T’es là pour quoi ? Cause vite, ta gueule me fout la gerbe, ça va m’couper l’envie d’boire. »
« Euh.. Bonjour, je… J’m’appelle Cwéann… Bois corbeau. Voila je cherche du travail m’sieur…»
la voix a l’accent rugueux de la naine s’éleva, pas désagréable, elle roulait les r et chantait ces phrases. Son visage rond et avenant, encadré de cheveux noir coupé a la garçonne, lui donnait un air attachant. Elle posa ces yeux bleu délavé sur le sergent en souriant timidement
- « J’en ai rien à astiquer d’ton patronyme cornasse. Et qu’est-ce qui t’fait croire que tu peux d’venir mercenaire péquenaude ? T’as vu des feignasses chez nous ? On r’crute pas chez les buveurs de lait »
La naine perdit son sourire et baissa la tête avant de perdre accent t de garder ces r roulant et répondit d’une voix faible
- « Ben disont que je cherche un métier pas trop dangereux m’sieur... Vous savez j’suis pas vraiment une combattante, mais j’sais cuisiner»
En écoutant d’un air distrait, le sergent recruteur tapotait contre la table, la lame de sa dague qui commençait à accumuler la saleté raclée sous ses ongles noirs. Il releva la tête vers la naine d’un air abasourdi et l’interrogea à nouveau.
- « Cuisiner ?! Et tu as appris quoi quand tu chialais dans les jupes de ta mère ? A faire la boustifaille c’est tout ? T’fout pas d’ma gueule la courtode ! Pas trop dang’reux ? Non mais t’es cru a l’hospice sigmarite du coin ou quoi ! Donne ton cursus et fait pas dans les sentiments, le larmoyant ça m’donnera surtout envie de t’foutre la gueule dans la boue et d’y marcher d’ssus.»
La naine recula d’un pas lançant des regards a la ronde dans l’espoir d’une aide quelconque, mais elle récolta seulement quelques méchants sourires
- « J’sais tirer avec un fusil m’sieur… L’réparer si y faut, préparer les charges de poudre, faire des grenades et même quelques pièges… Et je peut aussi faire le linge et repriser les habits… C’est important ça d’avoir d’bons habit m’sieur… »
D’un air dubitatif, le sergent griffonna quelques notes à la suite de ce qu’il avait déjà pris depuis le début de votre semblant d’entretien.
- « Mouais bientôt on r’crut’ra des chouineuse pour nous tailler des turlutes… Crois pas qu’tu vas m’convaincre avec tes réponses merdiques… y’a des pisseuses dans l’coin qu’j’ai plus de raison d’engager qu’toi. Quand on s’engage chez nous c’est pour la vie… C’est pas une maison d’accueil pour les paumés dans l’genre. Si t’es là pour trouver ton papa perdu et t’barrer quand tu l’as r’trouvé tu peux retourner vers la sortie et t’casser d’là en priant que j’te refasse pas la tronche d’m’avoir pourri mon temps. T’en es consciente ? Alors comment tu vois ton futur chez nous si jamais on estime que ta carcasse peut y v’nir y prendre des coups ? »
Cwéann eu un sourire piteux en se reculant un peut plus, malgré son regard noir. Visiblement prête à tourner les talons, puis soudain elle redressa la tête
« J’sais peut être que faire a manger et repriser les habits, mais je vous conseil d’y réfléchir ! J’suis sure qu’vous aim’riez ma pitance mieux que celle qu’on vous donne ! Moi j’suis peut être pas une grande guerrière, mais au Karak je prenais soin d’mes gars ! J’suis la meilleure cuisinière du coin et j’sais servir en portant les assiettes et tout et tout !»
Sans changer d’attitude, bien au contraire, le sergent l’écouta d’un air féroce, comme s’il allait lui sauter sur le râble d’un instant à l’autre pour se passer les nerfs sur elle. Rapidement elle perdit contenance et sembla se recroqueviller
« Putain ferme ta gueule, Aller… T’as qu’qu’chose à rajouter avant de t’barrer d’ma table ? Après ça sera trop tard, laisse nous au moins un endroit où t’faire appeler si l’Capitaine il est intéressé par toi. Mais ç m’étonnerais, franch’ment on a c’qui faut en crevures sans couilles»
Cwéann rentra la tête dans les épaules
« Euh je suis pas loin… Par là.»
Elle désigna la porte de sortie
« Je sers ici de temps en temps, vous m’trouverez bien. »