L'humain Benedikt entre dans la taverne en fin d'après-midi. Il est vêtu d'une armure de bonne qualité mais sans fioritures et dispose d'une épée à son côté et d'un bouclier dans le dos. Il à l'air las de ceux qui ont marchés seuls quelques jours. Il scrute la pièce du regard, visiblement à la recherche de quelqu'un. La personne la plus proche de lui est un jeune homme en train de siroter sa bière. Il s'approche et lui demande sans ménagement :
- « C'est où pour le recrutement chez les loups ? »
Le jeune homme lève légèrement sa pinte et la dirige vaguement vers un homme corpulent à quelques pas de là. Benedikt s'approche et essaye d'attirer l'attention du recruteur.
L’homme qu’on vous a désigné comme étant le sergent recruteur de la fameuse Compagnie des Loups d’Ostland, regarde sa choppe d’un air absent en se curant négligemment ses ongles à l’aide de sa dague effilée. De temps à autre il crache par terre la chique qu’il mâche bruyamment, laissant parfois un fil de bave se perdre dans sa barbe hirsute comme un insecte dans un buisson de chardon. Alors que pour la troisième fois vous tentiez un raclement de gorge pour signaler à nouveau votre présence que le sergent semblait ignorer proprement, ce dernier consent enfin à sortir de ses penser en vous détaillant des pieds à la tête. Dans un silence gênant il poursuit sont inspection méticuleuse comme pour juger si votre apparence pourrait lui sembler assez acceptable pour vous répondre. Quant enfin il y consent c’est d’une voix rauque et avec un accent à couper au couteau qu’il s’adresse à vous.
- « Si t’attends qu’j’te tire la chaise tu peux dégager du plancher bouseux… tu m’déranges ! »
Voyant dans votre regard et probablement un peu à votre accoutrement que vous n’êtes ni le saltimbanque qui vient de pousser la chansonnette, pas plus que le pilier de comptoir qui cherchait quelque part ou s’affaler, il vous relance alors.
- « T’es là pour quoi ? Cause vite, ta gueule me fout la gerbe, ça va m’couper l’envie d’boire. »
Après un instant d'hésitation, Benedikt répond.
- « J'mappelle Benedikt et j'viens m'engager dans la compagnie. »
- « Et qu’est-ce qui t’fait croire que tu peux d’venir mercenaire péquenaud ? T’as vu des feignasses chez nous ? On r’crute pas chez les buveurs de lait »
- « J'ai comme qui dirait pas mal d'expérience pour tout c'qui touche au combat. J'ai passé ma jeunesse dans la milice et dans l'armée, et j'aurai même pu être joueur d'épée. Et j'peux dire que jme souviens pas déjà avoir bu d'lait. Ni d'eau d'ailleur. »
En vous écoutant d’un air distrait, le sergent recruteur tapote contre la table, la lame de sa dague qui commençait à accumuler la saleté raclée sous ses ongles noirs. Après une gorgée de bière, il relève la tête vers vous d’un air blasé et vous interroge à nouveau.
- « Ah ouais ? Ben va m'chercher une bière alors, j'commence à voir le fond d'ma choppe. »
Benedikt s'exécute immédiatement et va chercher deux bières au comptoir. Il les pose sur la table et s'assied en face du sergent.
- « Tu sais faire quoi d'tes mains ? Des soldats au rabais et des tire au flanc, j'en vois passer tous les jour ici. Si t'as rien d'mieux qu'ça, tu peux t'casser avant d'finir d'me les briser. »
- « J'sais m'battre à l'épée et j'sais obéir. Dans mon boulot d'avant, j'ai d'jà fait un peu d'tout, ça m'dérange pas de faire des choses pas très reluisantes, si tu vois s'que j'veux dire. Pi chui pas d'ceux qu'abandonnent pour un rien. Jamais j'me suis enfui face à l'ennemi, et si j'peux m'venter de queq'chose, c'est que dans la baston, j'ressort souvent en meilleur état qu'ceux d'en face. Sûr que pour fignoler chui pas l'meilleur, mais pour foncer dans l'tas ou tenir une position, chui votr' homme. »
D’un air dubitatif, le sergent griffonne quelques notes à la suite de ce qu’il avait déjà pris depuis le début de votre semblant d’entretien.
- « Mouais… crois pas qu’tu vas m’convaincre avec ça… y’a des pisseuses dans l’coin qu’j’ai plus de raison d’engager qu’toi. Bourriner comme un sourd c'est p'tet pas suffisant. Une fois qu'on est un loup, la seule façon de nous quitter, c'est en trouvant la tombe. La meute, ça s'ra tout pour toi. T’en es conscient ? Alors comment tu vois ton futur chez nous si jamais on estime que ta carcasse peut y v’nir y prendre des coups ? »
- « Haha, j'veux bien voir une pisseuse qui s'battrait mieux qu'moi tiens. M'est avis qu'elle est pas encore née celle là. Si j'veux vous r'joindre, faut pas s'leurer, c'est d'abord pour l'or. Faut bien que j'trouve de quoi payer la bière. Mon futur chez vous, jpense que ça s'ra plus à vous d'en décider qu'à moi, comme un capitaine décide pour ses soldats. j'sais m'battre, mais j'suis pas vraiment versé dans la tactique et j'me sens pas l'âme d'un chef. »
Sans changer d’attitude, bien au contraire, le sergent vous écoute d’un air féroce, comme s’il allait vous sauter sur le râble d’un instant à l’autre pour se passer les nerfs sur vous.
- « Des p'tites qui t'mettraient une fessée, j'en connais quelques-unes ici. T’as que’qchose à rajouter avant de t’barrer d’ma table ? Après ça sera trop tard, laisse nous au moins un endroit où t’faire appeler si l’Capitaine il est intéressé par toi. »
- « Ouais, j'peux rajouter que si vous voulez m'tester, y'a pas d'problème. Chui prêt à en découdre pour montrer ma valeur. J'repasserai plus tard pour voir si vous voulez d'moi. »
Après une courte attente, Benedikt vide la moitié restante de sa bière et se lève. Il se retourne et se dirige vers la porte sans un mot. En sortant, il fait un vague signe de la main, de dos.