Un coup de fouet supplémentaire entre ses côtes, son corps endolorit menaçait de céder, mais il tint bon, mordant dans la lanière de cuir passant entre ses mâchoires.
Le bourreau semblait s'en donner à cœur joie, on voyait sur ses traits que punir c'était bénir pour son clergé émotionnel. A côté de lui se dressait l'être le plus maigre du monde, Samalek Tonopel, aussi connu comme l'un des plus cruels marchands d'esclaves du sud de l'Empire. Il se tenait là, les bras croisé, un sourire satisfait aux lèvres, devant une caravane entière ayant dressé un campement pour la nuit.
- "Voyez ce qu'il arrive à ceux qui tentent de se soustraire à ma bonne hospitalité. Vous me devez le respect et je veux que cet idiot" Il tendit un index osseux vers le supplicié "vous serve d'exemple."
Ce dernier, d'ailleurs, marmonna quelques mots à travers la bride:
- "Chac-à-mert !"
Samalek se tourna, rouge de fureur, face à l'impertinent, faisant signe qu'on lui retire son mord.
- "Qu'as-tu dis esclave…?"
- "Je…dix-sept…j'ai dis dix-sept, je comptais tout haut !"
- "Je vois…"
Se retournant, il allait dire au bourreau de reprendre quand l'esclave rajouta:
- "Mais j'ai aussi dis que t'étais un sac à merde."
- "Comment?! Tu oses ! Je vais t'apprendre stupide pirate !"
Il s'avança en brandissant une dague, le regard fou et déterminé à venger l'affront lorsqu'un hennissement retint son geste.
Se tenant à quelques pas de là, un cavalier en armure de couleur grise et noire, coiffé d'un heaume en forme de crâne humain. Il semblait seul, mais rayonnait d'une assurance déconcertante.
- "Qui que tu sois, passe ton chemin manant !"
L'homme ne répondit pas, mais fit un geste en direction d'un bosquet, d'où soudainement un carreau sortit, tel un sombre éclair, pour venir se planter dans la gorge de l'esclavagiste qui s'effondra sur le coup.
- "Cela fera une bien jolie épitaphe marchand, mais permets-moi de rajouter ces quelques lignes: Que la lune soit rouge ce soir !"
Sur ce signal, d'autres cavaliers sortirent des fourrées pour fondre sur les gardes, quand ceux-ci n'étaient pas déjà morts, une flèche dans le cœur.
Le chef des assaillants dégaina une superbe épée bâtarde et s'élança à son tour dans la mêlée, aussi silencieux que la mort et efficace également.
Une bataille aussi brève que sanglante s'ensuivit et les asservisseurs furent rapidement mit hors d'état de nuire.
Quelques vivas conclurent cette dernière et les Loups d'Ostland s'organisaient déjà à trier le butin et à libérer les esclaves, sans les ménagers pour la peine.
Le cavalier macabrement coiffé s'avança à la lueur d'un feu et retira lentement son casque avant de faire craquer ses cervicales.
- "Je suis Malheur…Capitaine des Loups d'Ostland. Vous êtes libre, filez avant que je ne change d'avis. Quant à vous compagnons, il est l'heure que ce butin serve une noble cause. Embarquez le tout."
Suite à sa déclaration il se tourna vers le pirate torturé et aperçu ce dernier, tranquillement assit, les mains libres, mangeant une pomme à belles dents.
- "Tu ne pars pas ?"
Toujours sur sa friandise, l'homme répondit négativement de la tête.
Avec un mélange d'amusement et d'irritation, il reprit:
- "Quel est ton nom ?"
- "Nachanaël Chynwid."
- "Avale ce morceau et répète, ou le morceau suivant passera moins bien."
- "Nathanaël Cynwid capitaine !"
- "Tu sembles habile de tes mains."
- "Le meilleur capitaine, mes mains et ma langue sont mes armes favorites."
- "Pourquoi te fouettaient-ils ?"
- "Pour cette raison justement, j'avais presque réussi à leur fausser compagnie et…"
Malheur ricana.
- "Presque."
- "Oui, presque, mais en fait j'avais surtout fait ça pour pouvoir subtiliser le couteau d'un des gardes. Je destinais ce dernier pour la gorge du "maître", mais je ne suis pas mécontent que vous l'ayez fait avant moi."
- "Tu veux dire que tu avais les mains libres durant ton supplice ?"
- "Pour éviscérer quelqu'un c'est plutôt pratique oui."
- "Tu es complètement fou oui."
- "Entièrement et à votre service capitaine !"
- "Comment ?"
- Et bien, j'ai une dette envers vous et nul endroit où aller. J'ai entendu parler de vos Loups et ils sont plutôt bien traités. Alors je m'engage à votre service !
L'homme éclata de rire, les mercenaires autour d'eux s'arrêtèrent pour regarder la scène et se turent.
- "Et que veux-tu que je fasse d'un voleur comme toi ?"
- "Mettez-moi à l'épreuve, je peux être utile."
- "Mmmh…fort bien…Baldrik ?"
Une montagne de muscle à la finesse sismique se détacha de l'attroupement et s'avança vers le capitaine.
Voici Baldrik, si tu arrives à lui faire poser ne serait-ce qu'un genou à terre, alors je reconsidèrerai la question.
Malheur tourna dos à la scène en souriant et s'avança vers ses compagnons d'armes pour assister au massacre, le temps que les adversaires se place face à face sans arme. Dès qu'il fût installé, les deux opposants étaient l'un en face de l'autre se regardant en chien de faïence, le géant contre le paysan.
- "Allez-y !"
Baldrik hurla en chargeant Nathanaël, ce dernier ne bougea pas d'un cil avant qu'il ne soit à une distance raisonnable et leva un pistolet subtilement dissimulé face à son visage en prononçant doucement:
- "A genoux."
Une fois que le gros homme s'exécuta, non sans réticence, Malheur passa une main sur son menton le regard insistant.
- "Que tout le monde soit prêt à partir dans l'heure.
Il se leva et regagna son cheval, suivit de près par une elfe superbe.