BG - Bjarn

Confortablement installé dans un siège président la tablée de mercenaire, le nordique au regard acier observait ces hommes jouer, la tête posé sur son poing massif, une coupe d’hydromel dans l’autre main, il observait d’un air mauvais les deux boucliers de facture Norsk et l’épée Bretonienne qu’il venait de perdre aux dés.

Bjarn était d’une stature impressionnante même pour un nain, digne fils de la lointaine Norska et du peuple nain. Son regard borgne d’un gris bleu était contrasté par un teint halé et par une barbe noire de jai. Le tout souligné par un nez de boxeur qui rendait son visage brutal, un visage taillé au burin de l’âge révélait le regard d’un loup de mer, ou peut-être d’un loup de guerre venu de la lointaine terre de Tylée. Ce nain du nord avait une attitude franche et bourrue commune a ceux de son pays, et était ce qu’il semblait être. Un mercenaire. Ce métier lui avait valu de belles cicatrices, dont une impressionnante qui lui avait emporté deux doigts, et un équipement visiblement prélevé sur ces ennemis, ce terminait le tableau type des soldats de fortune. A l’instant il était vêtu d’une cuirasse naine mais de facture ancienne, surement récupéré sur les pires ennemis de son peuple, les nains ayant succombés au chaos. Une parure qui tranchait dans cette taverne peuplé d’humains et attirait les regards.
Il leva brièvement sa coupe en direction d’un homme à la peau d’ébène dont la stature rivalisait avec la sienne en largeur puis la porta à ces lèvres.
Assit dans l’ombre d’un pilier, l’humain leva à son tour son hanap en réponse au nain, avant de le porter a ces lèvres en observant ces compagnons d’aventure, compagnons qui arpentaient le monde a ces cotés depuis deux ans. Ces derniers riaient et jouaient aux dés, pariant leurs couronnes pour les charmes d’une catin ou ceux du hasard.
Une crête surplombait un visage à la peau noire dont le coté austère donnaient a ces traits la noblesse des guerriers des jungles Lustriennes. La Lustrie et ces jungles étouffantes... Un mercenaire aussi, même si, a la différence du nordique, sa Tunique maillée d’acier aux symboles de l’empire ne semblait pas le désigner de ce lot, mais plutôt d’une armée régulière. De plus son attitude calme et professionnelle le rendait irréel dans cette atmosphère de rufians.

Dwamba le lustrien, car tel était son nom, sourit a Bjarn, ce dernier parlait avec Aendorf un fils des lointaines terres frontalières, lui aussi devenu mercenaire pour trouver la dote et se marier avec une fille de son village au retour de ces aventures, ce dernier s’approcha de lui
Le nain arbora un franc sourire d’amitié, ces dents blanches tranchant avec la couleur cuivrée de sa peau.
« Alors Bjarn? T’es sur d’pas vouloir une d’ces jouvencelles ? Dwamba est d’sale humeur et a envoyé paître la dernière qu’nous avons essayé d’lui offrir»

Le Norsk éclata d’un rire franc et tapota le bras de son interlocuteur
« Mon ami, j’te remercie d’ton offre, mais je me contenterais d’une naine et d’te voir te tordre et geindre de douleur sous l’poids de la maladie. Offre moi plutôt autant d’bières que d’heures qu’tu passeras à maudire cette catin. »

Dwamba quand a lui observa l’homme qui parlait au nain
« Garde tes chaude pisse au chaud, bâtard, j’prefère m’trancher une main qu’d’accepter tes cadeaux empoisonnés »

L’humain prit un air outragé
« Hola l’noir ! N’casse pas cette belle soirée riche d’aventures avec tes sermons d’pucelle! Votre ponction dans notre butin a déjà été suffisamment dure, oublie tes bières ! Bourse maigre ne s’apitoie pas»

Bjarn avait cessé de sourire et c’est d’une voix grinçante qu’il interpela le camarade a qui il souriait un instant plus tôt
« Peut être penses-tu que nous nous apitoierions sur ta carcasse pourrissante ? »

La voix qui répondit a la place du Lustrien fit tourner le regard d’Aendorf sur le nain, son air avait changé, a commencer par cette lueur dangereuse qui luisait dans son regard en une promesse de mort constante a qui oserais le contrarier ou le dévisager une fois de trop.
Son compagnon tout sourire calma un peut les mercenaires qui à présent se regardaient tous en chien de faïence
« Oui, excuse moi d’être sombre mon ami, la mort de notre chef est pour moi… Malheureuse et difficile à supporter, tout comme elle l’est pour mes compagnons.»

Le Lustrien avait tendu la main pour désigner le Norsk dont l’attention fut attirée. Aendorf rit à son tour, jaune, mais il rit. Le ton du Lustrien sonnait faux et il le savait, mais n’osa rien dire a présent que les deux frères d’arme le détaillait, mains négligemment posées sur leurs armes, et cette délicate odeur d’ozone qui électrisait l’air lui signalait que rien de bon ne se solderait par son affront. Il estompa le malaise naissant de sa remarque en ricanant une réplique peut amène
« Bah ! Oublions, après tout le plaisir….C’pour ça qu’on vient là, non ? Offrons une dernière soirée à notre chef... Mort. »

Il leva sa coupe vers celle qui occupait une place vide en bout de table, puis se retourna vers le Norsk. La lueur haineuse dans les yeux du mercenaire amusa Bjarn par son silence, puis l’homme regagna la tablée ou l’attendait une magnifique rousse édentée, probablement vérolée. Encore une rasade de chaude-pisse a soigné... Mais cette fois ce ne serait pas Dwamba lui et ces décoctions qui soigneraient ça…
Bjarn soupira en souriant à Dwamba, deux ans de campagne dans les compagnies franches avait donné or et gloire a ces compagnons. Ceux ci rentraient chez eux à présent, la mort de leur chef avait éclaté le groupe, et le sergent n’avait plus très envie de mener ces bons à rien…

Une mort étrange, son corps n’avait pas été retrouvé, mais le sac d’or prélevé par Bjarn et son compagnon, sur le butin du groupe pour honorer leur meilleur ami avait rétrécit les sourires. Le Norsk et son ami, inflexibles, n’avaient pas transigé.
De plus, nombreux sur la cinquantaine d’hommes qu’il avait rejoint deux ans plus tôt, n’étaient pas revenu. A présent ils guidaient une quinzaine d’hommes tout au plus, dont un manchot, un cul de jatte et trois borgnes, ce qui vis a vis de leurs caractères respectifs et de leurs compétences martiales n’encourageait pas a la rébellion.
Néanmoins c’était ici qu’ils allaient tous se séparés… Il couva du regard ces deux biens les plus précieux qui le ramenèrent vers le passé, un insigne doré en forme de ^ et sa hache a double lame.
Bien étrange aurait pensé un inconnu, que ce Norsk suivit d’un Lustrien, ils auraient défié à eux deux toutes les croyances populaires, car il semblait que l’un fut un ancien sergent vétéran, l’autre un mercenaire sanguinaire ancien esclave, au vue de son dos strié de coup de fouet.
Tolérance était une maîtresse des plus difficiles chez les mercenaires, parfois le destin liait des personnes opposées… Toutefois le regard de Dwamba semblait annoncer qu’il n’était pas prêt a retourner en esclavage, ni a se laisser manquer de respect. Quand à Bjarn Beaucoup avaient raillé le vétéran, jusqu'à ce qu’ils se retrouvent avec trente centimètre d’acier Norsk dans le ventre, la main serrée sur leurs tripes, tournant leurs plaintes vers leurs catins de mères avant de crever devant son regard indifférent.

D’ou venaient-ils ? Personne ne le savait, tout comme personne ne connaissait réellement leurs passés. A une vingtaine de personnes on aurait put en reconstituer une partie, mais sans plus. Bjarn et son compagnon, faisaient partit de ces hommes qui confessait les cadavres qu’il laissait derrière eux, si un mercenaire était dans un tel besoin de connaître leur passé il savait ou trouver le nain ombrageux ou le sinistre Lustrien, mais les intéressé à troquer mort contre savoir ne se bousculaient pas au portillon.
Alors les rumeurs circulaient, certains disaient que Bjarn était en recherche d’une vengeance sur un ancien employeur, que son nom était d’emprunt et qu’il venait régler ces comptes, Quand a l’autre son compagnon, un esclave devenu vagabond, poussé sur les routes après avoir regagné sa liberté a la force de son poignet et de sa lame.
Ces mercenaires sans passé, semblant connaître et être connu de nombreux autres mercenaires tout en étant avares en discours sur leurs faits d’arme suscitaient l’intérêt de leurs compagnons, personnages étranges, devenant presque un jeu sur savoir qui arriverait à leur faire parler ou percer le mystère de ces derniers. Cela les amusait, ils savaient que les caisses des paris se remplissaient à chaque campagne et ils n’hésitaient pas à lâcher quelques informations, parfois vraies, souvent fausses pour une partie du butin qu’elles contenaient.
En fait Bjarn, comme son ami ne dévoilaient pas son passé en évoquant la seule raison valable aux yeux de ces chiens de guerre, un mercenaire n’en avait pas et bien souvent son passé était obscur, les leurs jouaient sur ces deux choses et surtout ils s’en moquaient. Ils avaient fait bien des choses dans leur vie, certaines bien plus sombres que le cul d’un Orc et ça ne regardait qu’eux… Bien sur, Bjarn aurait put être d’une armée régulière naine ou de l’empire, mais il avait coutume de dire qu’il était plus simple de suivre les compagnies mercenaires en se taisant et en s’enrichissant, plutôt qu’en ergotant dans la régulière pour une solde de merde. Là où il voulait être c’était là ou la guerre était présente avec son lot d’horreur et de courage, un homme qui en avait suffisamment pouvait se tailler un empire.

Sage, assez intelligent pour être suspicieux tout en ne présentant aucune ambition en apparence et armé d’une personnalité a toute épreuve, il avait survécut et s’était taillé une bonne réputation dans les milieux du mercenariat, banditisme et de la piraterie. Tantôt chef de groupe d’éclaireurs, il faisait souvent le lien entre les compagnies en manœuvre, chassant l’ennemi, le débusquant, le harcelant.
Parfois bandit des grands chemins il tendait d’expertes embuscades, ne laissant personne pour parler. Quelque fois pirate, il avait occupé la fonction second maitre, une place avec suffisamment de risques pour justifier sa part de rapine tout en le plaçant près de la chaloupe au cas où. Sa place dans le monde était simple et celle dans les compagnies l’était aussi… Il était en fait un survivant, et comme il le disait : à chaque maux un remède, a chaque problème sa solution et a chaque combat sont chemin de ‘replis’.

Il avait rapidement appris une chose, si les hommes d’une compagnie n’avaient pas la fierté en leur drapeau ou couleur, la fin n’était pas loin, si ils étaient trop confiants, aussi. Ainsi savait il quand les choses commençaient à sentir le roussi et quand tirer sa révérence, et cela leurs avait maintes fois sauvé la mise a lui et son compagnon... Comme aujourd’hui.

Bjarn sortit de ces pensées, ramené a l’auberge par des cris et des rires. L’heure était tardive, ces souvenirs teinté de sang et de cris de désespérés, issus d’un millier de raids l’avaient emmené bien loin de cette taverne. Il observa le Lustiren, a sa différence, contrairement au nain tout son esprit était tourné vers le besoin du combat sans éprouver le temps de s’aménager une sortie de secours. Les gens auraient pu dire qu’il était même miséricordieux envers les faibles ce qui aurait fait hurler de rire le Lustrien. Non, il ne choisissait pas le camp des faibles par pitié, mais par challenge. Souvent il disait qu’ainsi il était sur d’attirer l’attention de ces dieux cruel. il semblait avoir des raisons que nul ne connaissait, pas même la raison…


Dans la salle, les rires se turent lentement tandis que le premier mercenaires disait adieu a ces camarades et prenait son butin, le silence s‘épaissit, les têtes se baissèrent. Le nain sentit la nostalgie s’inscrire dans l’atmosphère. Les hommes étaient ainsi, ils avaient besoin de sentir une fraternité tout en ne la respectant pas, prêt à se mettre une dague dans le dos pour une pièce d’or, mais capable des pires actes d’héroïsme pour s’entraider dans le combat.

Bjarn brisa le silence de sa voix rauque aux accents nordique, il savait que l’éclaireur Lustrien répugnait a parler en groupe ou au gens qu’il ne connaissait pas, voir même tout court.

« Allons compagnons, nous savions tous que cela ne serait pas éternel. »

Les hommes l’observèrent en hochant la tête, la tristesse restant entière, l’un d’eux porta son attention sur Dwamba
« Et toi L’noir ? Que vas-tu faire ? »

Dwamba sourit et surmonta son aversion.

« Moi ? Je vais aller aux coureuses de remparts et me saouler la gueule a mort pour rattraper l’avance que vous avez sur moi et ne pas en être jaloux. »
Les hommes sourirent, amusés a leur tour. Imaginant mal le grand noir laconique courtiser des jouvencelles de petites vertus, Ruwulf un guerrier Norsk au regard stupide reprit la parole
« Et toi Bjarn? »

Bjarn reporta son attention et vida sa coupe avant de répondre, la voix de paysan de Ruwulf l’avait toujours amusé, un paysan maniant la lame avec une précision remarquable.

« Ouvrir une paroisse de Grimnir, m’installer en en bretonnie et devenir un fervent habitué des prêtresses de Vallaya.»

L’effet escompté se produisit, l’ambiance se relâcha, les rires fusèrent dans les rangs de ces anciens compagnons, la fête reprit son cours, entrecoupée d’ombre se retirant au creux de l’oubli d’une nuit d’ivresse.

Le matin blême se leva, le dernier était partit, le nain, resté seul avec Dwamba, il sortit une carte du vieux monde de son sac et se pencha dessus. Il resta ainsi plusieurs heures, détaillant chaque nom de ville ou village visiblement à la recherche d’un endroit ou aller et surtout de l’itinéraire. Lorsque la sentinelle cria midi, il avait enfin le doigt sur un morceau de la carte.

« Tout s’arrête ici ? » Le nain leva les yeux et sourit, le passant curieux n’était autre que son vieil ami Arenst.

« Pourquoi pas mon vieil ami. La mort n’a pas été trop douloureuse ? Tu as eu pourtant un enterrement somptueux digne d’un grand héros et tu te relèves d’entre les morts ?»

Arenst, ancien officier mercenaire, feu le chef de la bande sourit lorsque Dwamba étala sa part de butin sur la table, plus le sac d’or prélevé pour son enterrement.

« J’ai put constater ça de loin, mais je n’ai pas vue votre soit disant Caïrn funéraire, ni les veuves éplorées que j’ai laissé derrière moi, perdues dans une multitude de mioches que mes pauvres valseuses auraient eu du mal a porté... Enfin ton oraison a été très émouvante, j’en aurais pleuré. De rire ou de peine je ne sais pas trop.»

Riant le nain tapota dans un tintement la lourde bourse.

« J’ai du, hélas, limiter les dépenses de ton enterrement… Pour laisser une part pour tes épouses et tes batârds, mon ami»

Arenst compta les pièces d’or poussant un sifflement éberlué par le compte
« Ainsi ça a marché ? Maudits fils de catins! Votre plan était bien ficelé, je l’avoue, même si je pensais plus vous retrouver cloué a la palissade en arrivant. Par Ranald, tu as gagné ton pari, même Aldar et Meneias pensaient que ça foirerait et s’attendaient à devoir retapisser les murs de cette auberge avec le sang de ces crétins avant la fin de la nuit, mais ils n’ont pas eu les tripes de se retourner contre vous…. Bah ! Qu’importe, demain nous seront loin et des hommes mourrons dans les mois a venir, leur sang nous offrira de quoi vivre comme des Princes. »
Bjarn rit tandis que Dwamba roulait la carte, ce dernier parla pour une fois

« On recrutera du monde sur la route, ou nous nous joindrons a un de ces groupes qui rêve d’or et de gloire, les frontières ne sont pas sures, le travail lui le sera ; nous ferons couler le sang de nos ennemis, Par Alramah le très saint miséricordieux ! Nos bourses seront garnies d’ici peut et non pas comme celles de Princes, mais de Rois! Bandits, mercenaires ou pirates, la fortune nous sourira »

« Non. » La voix de Bjarn avait résonnée, ces deux amis l’observèrent un instant sans rien dire, d’ailleurs il n’y avait rien à dire. Ils savaient que tôt ou tard le nain prendrait une voie différente. Lorsqu’il l’avait rencontré deux années auparavant, a moitié mort et ivre de haine envers des traitres l’ayant abandonné face a l’ennemi, il n’avait, depuis, cessé de nourrir une haine et une rancune sévère a l’encontre des ces gars là.

« Arenst prend Dwamba, Aldar et Meneias avec toi, tu as moyen de faire le noyau d’une nouvelle compagnie, j’ai à faire, certaines choses sont restées trop longtemps en suspends. »

Quelques heures plus tard les quatre loups de guerre cavalaient dans leurs silence coutumier en direction du sud, une route qui allaient les emmener sur des sentiers bien étranges pour des mercenaires peux scrupuleux… Il laissait derrière eux leur camarade à son nouveau chemin. Un chemin de soldat de fortune sous l’œil des dieux. Un chemin ou le passé allait peut être lui offrir une vie plus honnête dans sa mort.