Une brume matinale montait du fleuve alors que la capitale de l'empire s'éveillait. Les caniveaux de la tentaculaire Altdorf tentaient sans succès d'évacuer les traces d'une nouvelle nuit de débauche aux alentours des quais.
Fendant les volutes humides qui s'accrochaient à ses bottes de cavalier, une femme au visage sévère remontait l'une des venelles des quartiers pauvres en direction de la place du marché. Son long manteau de cuir brossé dont un pan laissait entrevoir une lame fine ne laissait aucun doute sur sa destination.
Même les rats, qui tentaient de voler leur pitance en cette heure calme, s'écartaient vivement à son approche. La jeune femme tourna dans la rue des taillandiers puis disparu sous un porche donnant sur une cour sombre. Les marches d'un escalier grincèrent et le bruit de coups sur une porte se fit entendre.
D'une voix douce mais ferme les mots « lumière dans les ténèbres » furent prononcés avant l'ouverture de l'huis.
Ysaelle Feuerluft ôta son par-dessus sans même un regard au portier, elle était vêtue d'un corset de cuir bouilli blanc et finement ciselé paraissant neuf et qui laissait supposer une silhouette athlétique. Elle vérifia sa mise, ajusta son baudrier couleur caramel, fait du même cuir que son manteau, qui retenait une rapière et un pistolet tenant plus du mousqueton. Se tournant vers le garde et hochant la tête à son encontre, elle mit la main sur la seconde porte de l'antichambre. Avant d'ouvrir, elle tourna légèrement la tête.
« Quelle est son humeur ce matin, Cerbère? »
Le garde haussa mollement les épaules avant de dire « Torturé comme d'habitude, d'autant plus qu'il a ta première mission solo et qu'elle n'a pas l'air de lui plaire. »
Ysaelle ouvrit la porte.
La pénombre, l'odeur de la poussière et des vieux ouvrages l'engloutirent dés sont entrée dans la pièce. Cette pièce, elle la connaissait pour y avoir longtemps travaillé, malgré le manque de lumière elle aurait pu s'y déplacer sans bousculer la moindre pile de livres plus ou moins interdit. Elle savait aussi que le maitre de cette chambre de l'ordre des chasseurs l'attendait dans son fauteuil face à l'âtre froid à six mètres de là. Elle savait qu'il aurait toujours l'air aussi vieux et faible et que cette apparence était trompeuse. Le précepteur, comme se faisait appeler cet homme avait toujours des réflexes aussi vifs ainsi qu'un pistolet chargé de balles bénies caché à portée de mains.
« Approche Ysaelle, j'ai à te parler ». Le ton était ferme mais elle reconnu de l'inquiétude là où elle n'aurait jamais pensé en trouver.
Ysaelle commença à s'avancer vers l'emplacement du second fauteuil face à l'âtre.
« Maître qu'y a-t'il de si important pour qu'on me rappelle de ma mission d'assistance médicale sur les quais à une heure aussi matinale? »
Elle prit place dans ce siège usé par l'auguste postérieur de nombre de répurgateurs plus ou moins zélés.
« Les temps sont durs, servante de Verena, je vais avoir besoin de quelqu'un d'un peu plus subtile pour une mission délicate ».
L'attention d'Ysaelle était totale, depuis qu'elle avait quitté le temple de Verena pour rejoindre les rangs de l'ordre des chasseurs, le maitre de la loge ne lui avait jamais confié de véritable mission de terrain. En effet, mis à part sa grande connaissance des plantes et de l'alchimie et son excellente mémoire, rien ne la prédestinait à une carrière de terrain. Elle avait participé au classement et au référencement de tous les ouvrages de cette pièce et s'était un temps servie de ses baumes pour aider les agents de terrain blessés. Mais aujourd'hui était venu le moment qu'elle désirait et appréhendait tant depuis trois ans.
« Les forces du chaos ont lancé leur grande offensives selon nos informations. Les corps de deux de mes meilleurs agents en Ostland ont été retrouvés sans vie il y a deux mois et la nouvelle vient à peine de m'arriver. Il va me falloir de nouveaux yeux et oreilles dans cette région et dans le nord en général. Nous avons pesé les différentes possibilités avec les autres Juges et nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il nous faudrait quelqu'un avec la tête froide pour nous tenir au courant. Cependant tu ne peux rester seule par monts et par vaux et encore plus dans le Nord, le comprends-tu? »
« Oui Précepteur » tentant de comprendre où il voulait en venir Ysaelle réfléchit un instant avant d'avancer
« Vous souhaitez que je rejoigne un régiment de l'armée régulière? ».
« Non ma petite », le précepteur toussa bruyamment, il l'avait pris en affection depuis leurs longues heures passées en tête à tête dans cette pièce, « Au contraire je te veux relativement mobile mais dotée d'une logistique et de soutien comme seule une grande coterie pourra te doter. »
Il bu une gorgée d'une décoction qu'Ysaelle reconnu à l'odeur comme un fluidifiant pulmonaire, « Je souhaite que tu t'engages dans une autre voie. » Le ton du Précepteur se durcit « Ysaelle Feuerluft ! Je vous relève de tous vos devoirs envers notre ordre et vous destitue de tous vos droits envers la population! »
Ysaelle resta abasourdie par la formule consacrée qui l'évinçait de l'ordre des chasseurs.
Le Précepteur reprit « Cependant, je te demande de servir une dernière fois l'empereur et ton vieil ami sans poser de question, l'accepte tu? »
Qu'avait elle bien pu faire pour mériter tel traitement, elle failli refuser le service que cet homme qu'elle considérait comme un père lui demandait mais se ravisa. Quelque chose dans sa voix sans doute où alors... mais oui c'est cela elle venait de comprendre...
Un mois plus tard devant la porte d'une auberge de Wolfenbourg.
Il faisait froid, si froid! Et il était tard, si tard quand Ysaelle arriva devant l'auberge qu'on lui avait indiqué. Elle n'avait plus le sous et ne savait d'ailleurs trop comment en gagner. Pourtant elle espérait que son calvaire arrivait à son terme. La compagnie qu'elle avait cherchée depuis un mois devait se trouver là! Il ne pouvait en être autrement.
Depuis qu'elle avait été écartée de l'ordre les journées lui avaient parues longues et la solitude insupportable. Elle avait due affronter les routes avec pour seule compagnie ses armes et de bien maigres possessions, il faut dire que l'ordre et son temple auparavant pourvoyaient à tous ses besoins tant matériels que sociaux.
Deux jours après le « petit matin du changement », comme elle s'était habituée à l'appeler en mémoire de la dernière affaire sur un culte de Tzench traitée avec l'ordre du chasseur, son mentor était mort et de nombreux secret avec lui. L'ordre avait nommé un nouveau répurgateur à la tête de la loge secrète des bas quartiers d'Altdorf et ce dernier s'était étonné de la disparition d'une répurgatrice. Quand elle fut repérée se dirigeant vers le nord, on la déclara renégate et l'on coupa rapidement ses lettres de crédit. Pourtant Ysaelle ne faiblit pas, elle se devait à sa mission et celle ci commençait vraiment maintenant...
Lun 22 Sep - 10:15