Mellysandre Octave [Validé]

La jeune femme était déjà devant la taverne de Wolfenburg depuis quelques minutes ; elle n’avait pas encore fait un pas pour y entrer. De sa petite taille, elle se dressait sur la pointe des pieds et tentait de coller son visage à la fenêtre rendue opaque par la crasse, afin de se donner une idée des énergumènes que contenait la taverne. Et de gagner du temps avant d’y entrer. Pourtant, il allait falloir se décider à passer à l’acte ; ce n’était pas tout, mais le froid de la nuit l’enveloppait, et l’engourdissait. Et puis, ce n’était pas son pauvre manteau qui allait l’aider à affronter l’air glacial. Il avait eut son heure de gloire, elle l’admettait volontiers ; autrefois très élégant, cintré à la taille et tombant avec panache sur ses mollets, il n’était plus maintenant qu’une veste rapiécée et difforme, aussi fine que du simple tissu par endroits à causes des intempéries. Mais c’était le seul manteau qu’elle possédait, et il faisait plus ou moins l’affaire. Mais ce soir là, il gelait, et elle avait l’occasion d’entrer dans la taverne, pourquoi restait-elle au dehors ? Il était temps qu’elle tente sa chance. Elle poussa la porte, et entra, les joues et le bout du nez rougis par le froid.

L’idée qu’elle se faisait de l’ambiance allègre et joyeuse d’une taverne en fut ébranlée ; celle-ci se réduisait à quelques hommes au visage morne, aux yeux mi-clos sous leurs paupières lourdes qui s’étaient tournés vers elle lors de son entrée, en quête de divertissement peut-être.

Le cœur battant son appréhension, elle s’avança vers le Sergent, qui commanda une choppe de bière sans daigner la regarder. Elle se racla la gorge, toussota quand enfin il leva la tête. Leurs regards se croisèrent brièvement, avant qu’il ne se replonge dans l’observation de la choppe.

« Bonsoir. Je viens pour…

― Si c’est pour mendier, barres-toi.»

Elle s’affaissa imperceptiblement, prise de court par la sècheresse de la réponse.

« Non, en vérité, c’est de la Compagnie des Loups d’Osland qu’il s’agit.

― Quoi ? Passe ton ch’min p’tite. »

Elle se sentit dévisagée de manière gênante, outrancière, pendant quelques minutes, puis il reprit :

« Gringalette comme t’es, c’est impensable ! Puis tu crois qu’j’ai pas compris qu’tu t’cailles les miches dehors ? J’vois bien qu’tu vas crever la bouche ouverte si tu passes encore une nuit à la belle étoile, mais tu t’fous le doigt dans l’œil si tu penses qu’on va te nourrir, loger et blanchir. »

Piquée au vif, elle redressa la tête, le port effronté, et lança, non sans conserver une note respectueuse dans la voix :

« Je ne suis peut-être pas taillée pour le combat au corps à corps, je vous l’accorde. Mais justement, la Compagnie requiert certainement des talents autres que versés dans l’affront brutal et sanglants, que l’on qualifie souvent de « loyal ». Du reste, je suis légère… » elle nota le coup d’œil moqueur qu’il dédia à sa silhouette, « c’est donc une qualité, une fois à cheval, qui pourrait servir pour le besoin d’une personne rapide, agile et discrète. »

Il haussa les épaules.

« Rien qui fasse d’une mioche dans ton genre, une recrue intéressante pour la compagnie.

― J’ai rien à perdre à vous rejoindre, ni à combattre jusqu’à ce que mort s’en suive…

― J’crois qu’t’as pas bien saisi : la Compagnie, c‘est pas la garderie du coin. » Il abattit rudement son poing sur la table, mais loin de se laisser démonter, elle poursuivit :

« Je suis fermement décidée à m’engager dans la Compagnie. » Mais voyant qu’il s’apprêtait à éclater d’un rire gras, elle s’empressa d’ajouter : « Et j’ai reçu quelques leçons de combat, ces derniers mois. Je vous assure qu’une recrue supplémentaire ne serait pas de trop, ne serait-ce que pour l’envoyer au sacrifice plus tard, au nom du Capitaine.

― C’est moi qui vais t’y envoyer, et avec grand plaisir. T’as d’la chance te dis-je que le Capitaine tolère les donzelles, pas’que moi, j’vous aurais toutes craché à la gueule. »

« Je m’appelle Mellysandre Octave.

― Ah ouais ? Aut’chose à dire ? » Il griffonnait quelques mots sur un parchemin, sans cesser de grommeler à voix basse. Les lèvres de la jeune femme s’étirèrent en un sourire dont elle effaça l’insolence, et rajouta :

« Non, c‘est tout. »

Elle se releva, un peu engourdie par la chaleur qui lui picotait ses membres glacés, et très peu enthousiaste à l’idée de retrouver le froid ambiant de l’extérieur. Dans ses poches, quelques pièces trainaient, elle décida finalement de s’assoir à une table, et de commander une petite assiette s’ils servaient encore. Ca lui gagnerait de précieuses minutes au chaud.


(Hrp : Voila finalement ma candidature, revue et corrigée, qui était avant au nom de Samaëlh Icandre. Pour éviter de créer des méli-mélos par rapport au changement de nom et aux messages postés à la suite, j'ai préféré ouvrir un nouveau sujet. Ne restera plus qu'à supprimer l'ancien post... )

[HRP ON]

Bonjour Samael,

C'est bien noté, je rectifie dans mes dossiers.

Et bon retour à toi !

LJD Malheur

[HRP OFF]

Même s’il n’était plus de garde depuis sa promotion (ou son accident, les deux coïncidaient forcement), le boiteux avait gardé de vieille habitude. Un verre de gniole et il ferait son petit tour de camp, cette ronde qu’il avait mainte et mainte fois effectuée jadis, parfois à contre cœur même.


Mais sa jambe, enfin son moignon le lançait trop par des temps comme ça. A croire qu’un membre faisait plus souffrir quand il n’était plus, chose incohérente d’ailleurs. Comment pourrions-nous avoir mal à un endroit qui n’existe plus ?


La boisson de « Tord boyaux », l’un des cuistots de la compagnie, avait cette douce, quoi que rude et brulante, faculté à faire oublier les douleurs…Et les gueuses de la veille par la même occasion.


Bref, enfilant son verre, le boiteux ne put s’empêcher de tourner la tête dans la direction du courant d’air. Le vent frais de la nuit s’engouffra dans la taverne en même temps qu’une jeune femme emmitouflée dans un manteau rapiécé.


O, des loqueteuses venant demander une pièce ou un jus de bouillon n’étaient pas rares par les temps qui couraient, la guerre dans le nord faisait fuir les culs terreux.

Pourtant la gamine c’était diriger vers le sergent recruteur, signe suffisant pour intriguer le vieux loup.


C’est donc d’une démarche métallique qu’il se dirigea vers le sergent recruteur. Il n’eu pas le temps d’ouvrir la bouche que ce dernier lui lança déjà une amabilité.


«bah, après l’clodo v’là qu’j’ai l’estropié qui s’radine. Pas moyen n’siroter sa mousse tranquille ici ? J’vais m’chopper une table au fond d’l’arrière salle, au moins j’s’rai peinard. » Cracha t’il en lorgnant du coin de l’œil le vieux loup.


L’estropié en question ne se laissa pas démonter par le sale caractère de son compagnon. Il posa les mains bien en appui sur la table, et lui lâcha du tac au tac : « Avant d’te lever pour rejoindre une autre table, faudrait peut être t’assurer qu’ton cul est pas collé sur ton trône de bois. Appelles moi encore une fois l’estropié, gros apesard d’mes deux, j’t décolle les balloches de ta chaise à coup de mandales dans les dents !!! Alors craches vite le morceau à savoir qu’est ce qu’elle voulait la gamine car j’me doute bien qu’elle était pas là pour ton nœud vu le peu de sève qui doit y rester de tout façon. »


« Hmmm, elle veut s’enrôler, pardi. Comme si on avait b’soin d’souillon chez nous. Manquerait plus qu… Commença à répondre le recruteur. Mais le boiteux se dirigeait déjà vers la nouvelle venue, les dires de son homologue se perdant dans les rires et autres bruits de la taverne.


La jeune femme était en train de savourer son repas quand le boiteux se planta devant sa table.


« Alors, on veut rejoindre la compagnie ?

Elle mangeait, non : engloutissait son plat, avec une ardeur peu commune. Les pommes de terre trempaient dans le jus de viande, elles n’étaient pas assez cuite et trop chaudes, mais peu importait, Mellysandre avait beau se brûler, elle mangeait et mangeait encore, et elle se régalait, en vérité.
Du coin de l’œil, et sans y prêter une grande attention (elle était bien trop concentrée sur son assiette), elle avait aperçu un vieux bonhomme corpulent s’adresser au sergent recruteur directement après elle.

« Eh beh, ça se fend la poire, par là bas. » Avait-elle soupiré pour elle-même, en entendant les rires gras résonner dans toute la taverne.

Cet endroit était décidemment à l’extrême opposé de tout ce qu’elle connaissait. Des hommes grossiers, peu délicats, sans guère de subtilité, et qui crachaient certainement dans les assiettes qu’ils servaient. Mais dans le fond, pourquoi ne valaient-ils pas mieux que des bourgeois encrassés dans leur arrogance ?

Le vieux boiteux qu’elle avait remarqué quelques minutes auparavant se posta devant elle, autoritaire, et lui demanda la confirmation de sa candidature. Elle eut un sourire discret, satisfaite qu’une personne s’adresse à elle, mais lança en fixant le vieux dans les yeux :

― C’est ça… Vous non plus vous le trouvez pas très crédible, votre bon pote le recruteur ? Faut avouer que rustre comme il est, moi aussi j’aurai une confiance toute réduite en ses propos…

Elle marqua une courte pause, le temps d’avaler une nouvelle bouchée de patates, et repris aussitôt :

― Ou peut-être… Ma candidature est une idée que vous jugez trop incroyable pour être crue…

Elle eut un rire sans joie, et secoua ses cheveux roux dont quelques mèches vinrent tremper dans le jus de viande.

― Hahaha oui, c’est ça, vous croyez que je suis pas faite pour la Compagnie… Hein, c’est ça ?

Passant la main dans sa barbe poivre sel, le boiteux soupira doucement.


« Ecoutes moi bien, gamine. D’une,… » Commença t’il, visiblement agacé par l’attitude un peu trop supérieure de la jeune femme « t’avises plus d’juger un loup, aussi incompetent qu’il puisse être à tes yeux où ta gamelle j’te la colle dans la gueule. L’gars que tu vois là,… » dit il en désignant du pouce le recruteur dans son dos « …Est un loup et toi jusqu’à preuve du contraire, t’es rien…T’es insignifiante, du vent même..Et encore, il y aurait pas eu c’courant d’air, t’aurai beau être rentré en faisant l’coq une plume dans l’oignon qu’ j’me serais même pas arrêté sur ton cas alors évites d’la ramener avec ce que j’pense ou pas, c’est clair ? Bon, qu’est c’qui motive à r’joindre les loups à part le gîte et l’couvert car crois pas qu’on est du genre à donner d’la boustifaille à la première loqueteuse venue. T’as pitance faudra la mériter, faudra suer toute la misère d’ton corps jusqu’à en roter d’la mousse et tu comprendras pourquoi « mon pote » comme tu dis à la face de pet qu’il a maintenant…Alors ?...Qu’est c’qui m’donnerait envie d’faire appeler l’capitaine pour ta gueule ? »

Elle inspira, expira lentement, et répéta plusieurs fois l’opération, jusqu’à ce que ses mains se décrispent. Elle ravala sa mauvaise humeur du mieux qu’elle put, et se fit violence pour éliminer tous les comparatifs avec un « rocher hirsute tassé sur sa quille » que le gaillard lui inspirait.

S’essuyant la bouche avec l’une de ses manches, elle clama :
― Si on reprend votre raisonnement du début, la situation est claire. Je m’avise de juger parce que je ne connais pas, et ne demande qu’à connaître ; puisque je ne suis personne, je viens ici pour devenir quelqu’un ; et à propos de bouffe et autre, je ne me présente pas pour être engraissée comme une oie.

Elle se leva, et si elle avait souhaité un quart d’instant se montrer convaincante, sa petite taille procura l’effet inverse. Notant le ridicule de son geste, elle eut un sourire d’autodérision, avant de reprendre d’un ton plus modeste :

― Ce qui fait que je suis ici, et que j’ai envie d’y rester ? La soif. Vous connaissez, ça, vous, la Soif ? Le besoin de connaître, d’agir, de s’activer quelque part ; qu’importent les actes, pourvu qu’ils m’apportent la satisfaction de réussir. Je serai prête à obéir à n’importe quel ordre, juste pour y parvenir.

Elle finit par se rassoir, picora encore une ou deux patates dans son assiette quasiment vide, le regard baissé sur ce qu’elle faisait, puis elle regarda à nouveau l’homme.

― J’ai besoin de supérieurs qui m’ordonnent, qui me guident, et qui m’apprennent la vie à travers leurs exigences.

[HRP ON]

Mellysandre "l'Ingénue" a officiellement passé sa période d'essai chez les Loups d'Ostland et accède au rang de "jeune louve".

Comme dirait Malheur ; "T'as pas beaucoup plus le droit d'ouvrir ta gueule, mais t'as le droit de poser des questions, du moment que c'est à bon escient !"

[HRP OFF]