Henkling [Validé]

L’assistance s’était tue depuis quelques instants, et l’hilarité qui se dessinait sur quelques visages le disputait aux grognements colériques de ceux qui étaient né avec l’humeur et le poil mauvais. Les recoins de la taverne du Wolfenburg hébergeaient ce soir là un bien curieux spectacle, dont l’acteur principal était un homme pour le moins insolite, sorte de marionnette famélique, aux joues creuses, aux cheveux clairs et hirsutes et au menton impeccablement rasé, qui se tenait près du comptoir. Ses bras étaient maigres, diaphanes, comme fait d’un verre trop fragile, et tous s’étonnaient qu’ils pussent supporter sans frémir le poids imposant de la claymore passablement émoussée que la maigre chose tenait entre ses doigts et agitait nerveusement au-dessus de son ennemi.

En temps normal, au milieu d’une telle masse de mercenaires et de combattants rompus à l’art de la contre-attaque cinglante, l’épouvantail à l’épée eût vraisemblablement été neutralisé depuis longtemps. Mais en vérité, la situation était si insolite que tous en avaient perdu l’envie d’intervenir. A son adversaire, impassiblement muet, obstinément sourd, l’homme avait opposé un long monologue, succession de mots simples mais directs, qui sous couvert d’une courtoisie d’apparence dispensa bien vite un fiel qu’on réservait généralement aux traîtres de la pire espèce. A présent, il fulminait de colère. Autour de lui, l’on s’était d’abord moqué, mais le bougre ne prêtait guère attention à son entourage, les yeux rivés sur son placide interlocuteur. Il faut avouer que ce dernier aurait eut bien du mal à se défendre, du haut de son dossier vermoulu et de ses quatre pieds de bois qui vacillaient sur le plancher défoncé. Les soûlards avaient beau se frotter désespérément les yeux, rire ou grommeler, la vérité était baroque mais ne faisait pas de doute : l’homme, le visage drapé de digne colère, était en train d’haranguer une chaise. Une simple chaise, inerte et quelconque. Avec une véhémence qui impressionnait certes tout le monde.

Le coup partit avec une rapidité et une précision que ce public de fins connaisseurs sut apprécier à sa juste valeur. La claymore s’abattit contre l’ennemi, résolue à le fendre en deux. La lame était pourtant si abîmée et son tranchant si peu glorieux qu’elle n’eût pas fait de mal à un enfant. Elle rebondit sur le bois aussi rapidement qu’elle s’en était rapproché, et l’homme tomba en arrière, repoussé par sa propre force. L'assemblée, bien loin d’éclater de rire, comme il est de coutume lorsqu’un spectacle offre un plaisant divertissement, poussa un grondement de colère. L’épouvantail avait entraîné dans sa chute une multitude de choppes et de bouteilles bien remplies et – surtout - déjà dûment payées. L’on se jeta sur lui avec férocité, on l’accabla de coup de pied, et bientôt un client immense le saisit par le col de sa pauvre chemise et le rejeta au loin. La table qui le réceptionna ne résista pas à cette rencontre. Ses vieux pieds noircis craquèrent, et l’ensemble s’effondra dans un bruit sec, sous les yeux de l’homme qui y était attablé et s’attardait en cet instant à des opérations d’embellissement ongulaire de haute volée.

« Foutre et tripes ! Oh, le canulant, dégage-moi ta carcasse puante d’ici, avant qu’ta bouche n’serve de fourreau à mon cure-doigts. Mais c’est qu’il a ruiné ma table ! Hep, les gars, virez-moi c’te vieille branche moisie de d’ssous d’moi, pis cherchez moi une autre table, on m’paye à boire pour recruter, pas pour .. »

Avec une vitesse d’autant plus fulgurante qu’il venait d’encaisser un nombre de coups impressionnants, l’épouvantail s’était relevé, et ses lèvres filiformes s’étaient encore amincies dans un sourire insistant. Il parla, et autour de lui les bouches saoules et boursouflées bavèrent d’hébétement. L’homme qui hurlait d’une voix hystérique et suraiguë quelques instants auparavant, s’exprimait à présent lentement, posément, et en cet instant son maigre buste était plus efficace qu’une caverne pour faire résonner son timbre grave et digne, teinté d’une légère angoisse. Il était cependant évident qu’il récitait un texte longuement appris.

« Bonjour. Je m’appelle Henkling. Vous êtes le recruteur des Loups d’Ostland. Je veux entrer au service des Loups d’Ostland. S’il vous plait. Je suis loyal. Je veux entrer au service des Loups d’Ostland. Je suis fort. S’il vous plait. Je suis loyal. Bonjour.»

Le sergent-recruteur avait écarquillé les yeux.

« Hin ? Décampe de là qu’on t’as dis ! On r’crute pas d’vieilles amoureuses en transe ici, encore moins quand elles sont taillées comme un roseau. Le moindre des chiards en langes que j’ai s’mé à travers la campagne t’briserai comme c’te vieille table. Allez, du vent! »

Un nuage d’incompréhension traversa le visage de l’épouvantail, qui ne bougea cependant pas d’un poil. Bien au contraire, son sourire s’écarta encore, et il repris sa tirade avec majesté, jugeant qu’on ne l’avait visiblement pas compris.

« Bonjour. Je m’appelle Henkling. Je veux entrer au service des Loups d’Ostland. Je suis fort. S’… »

- Par ma barbe, c’est qu’en plus t’es simplet, la carne avariée qui t’as élevée à oublié de t’offrir un cerveau quand tu nageais encore au milieu de ses tripes ? J’t’ai vu, là-bas. C’te vieille chaise t’a fichu une branlée mémorable. Du vent, y a du monde qu’attend derrière !

« Mais… Je m’appelle Henkling ! Je suis loyal. Je suis FORT ! »

Le sourire avait disparu, cette fois, et l’œil de l’épouvantail s’était assombri et son cœur s’était visiblement emballé. Personne ne comprit exactement ce qui se passa ensuite, mais il sembla subitement que la tablée derrière le sergent recruteur s’embrasa et se consuma en quelques secondes. Dans leur panique, les hommes totalement ivres qui étaient un instant plus tôt assis devant leurs repas s’agitèrent pour trouver du liquide afin d'apaiser le brasier, sans trop prendre en considération sa nature, du moment qu’il fut proche. Fort logiquement, on ne trouva que de l’alcool, qui s’avéra à la surprise des plus saouls tout à fait contre-indiqué pour réduire les flammes brûlantes en cendres froides.

Cependant, le sergent-recruteur n’avait pas perdu un seul instant le fil des évènements, et il avait suivi avec précision des mouvements amples de l’épouvantail, la lumière vive qui avait jailli de ses mains pour s’écraser derrière lui. Sous sa barbe crasse, ses joues étaient gonflées de colère.

« Ha ! Une saloperie de mage qui a caché sa petite robe mauve ? M’enfin si tu crois qu’tu vas impressionner le plus p’tit de mes orteils avec tes tours de grand-mère, t’es bien loin de la vérité. Bon, p’têt que t’es pas qu’une fiente inutile, encore qu’mon odorat m’trompe rarement. Mais ça n’servirait à rien. J’ai bien l’impression qu’une blatte saurait mieux suivre un ordre que toi. Les Loups d’Ostland, c’est pas une sinécure pour bestiaux demeurés, quand on y vient, on y reste, on y vit, on y crève ; Toi, m’est d’avis qu’demain t’auras oublié jusqu’au nom de not’ fabuleuse compagnie quand t'auras perdu l'pense-bête qu'est carré dans ta poche !

- Je m’appelle Henkling ! JE SUIS LOYAL !, hurla l’homme, et le sergent-recruteur scruta avec attention les mains de son interlocuteur. Aucune flamme n’en sortit cette fois. Bien au contraire, Henkling avait serré le poing droit et frappait sont torse ne maugréant inlassablement la même litanie. Le sergent se risqua alors à une dernière réponse, d’une voix furibonde.

« Ah ouais, loyal ? Tu sais suivre un ordre alors ? Ecoute-moi bien alors : décarre de là, va t’asseoir dans un coin, et cale tes fesses sur une chaise, et attends qu’on te vire d’ici. C’est mon boulot de parler de toi au capitaine, mais à ta place, j’me ferai pas trop d’illusions. »

L’autre s’illumina tout à coup, se dressa sur ses pieds droit comme un épi de blé un jour sans vent, cria une dernière fois dans un élan de dignité « Je suis Henkling ! » , puis disparut avec vivacité au fond de la salle, où il pris place sur une chaise et s’y tint, silencieux et patient.

Le sergent l’observa un moment. Puis se ravisant, il fourra un doigt énorme dans son nez, en retira une chose verte et informe qu’il considéra comme une autorisation à philosopher :

« Moi qui croyait qu’les pyromages ça avait d’l’instruction ; çui-là doit même pas savoir lire, et si ça se trouve, il ne sait même pas qu’il est mage… En plus il discute avec des chaises et trimballe une épée rouillée… Pfff…J'donne pas cher de l'Empire, avec des gus pareils...Tout fout l’camp d’nos jours… EH ! Me faut une aut’ table, j’ai dis !!»


[HRP]

Bonjour à l’ensemble des Loups ! Je naviguais sur mon fureteur, la fleur au fusil, quand je suis tombé par hasard sur votre site, qui est un petit modèle du genre ! Aussi me voilà, motivé et désireux de vous rejoindre. En espérant n’avoir pas pris trop de liberté avec le texte initial à votre goût!

[/HRP]

[HRP ON]

Bonjour et bienvenue à toi.

Tout d'abord nous te remercions pour l'intérêt que tu as porté à notre guilde. Actuellement en voyage de noce avec ma femme, je ne dispose pas du temps nécessaire pour m'occuper de ta candidature. Nous serons de retour le dernier jour d'aout. D'ici là je laisse le soin à mes loups de te tenir en haleine. Nous retrouverons donc dès notre retour.

Merci de ta compréhension.

LJD Malheur

[HRP OFF]

Quand le boiteux entra dans la taverne, il eut l’impression qu’une tornade était passée. Des chopes renversées, une table écroulée…


Une bagarre entre loups ? Si c’était le cas, le boiteux allait se faire un plaisir d’y remédier. Une meute se devait d’être solidaire.

Une altercation avec les hommes du Comte von Raukov ? Non, pas de sang sur le sol, pas de gueule amochée et connaissant les mercenaires présents dans la pièce, ça aurait dû être une boucherie.


Le vieux loup s’approcha de celui qui ne quittait que rarement sa table, si ce n’était pour soulager une vessie quotidiennement sollicitée, le sergent recruteur.


« Qu’est c’que c’est c’bordel ? Tu t’es écroulé sur ta chopine ou c’est ton bide qu’a explosé ton trop plein d’mousse? » L’aborda t’il en souriant.


« Rigoles, l’boiteux !! C’est un sottard d’mes deux qu’a foutu d’l’esbroufe. » bava t’il en désignant du menton l’homme en question avant de reprendre : « Il a foutu l’feu à une table après qu’une chaise lui ai mis une branlé. Tiens d’ailleurs, il veut r‘joindre la compagnie et vu qu’tu t’occupes d’la bleusaille, si l’capitaine veut c’t loque, t’auras du taf avec c’t pleurard d’merdaille, héhé »


Le boiteux haussa un sourcil, peu enclin à se laisser gausser de lui.


« Méfies toi qu’j’te balances pas ma prothèse dans les deux chicots qui t’restent. Ca s’rait peut être malheureux pour ta chopine, elle n’aurait plus d’rempart face à ton haleine de chacal mais ça finirait ta gueule de cul en beauté. » Lui cracha t’il pour toute réponse avant de se diriger vers l’hypothétique future recrue, sa jambe métallique annonçant par son cliquetis sa venue.


Le bonhomme ne payait pas de mine mais le Boiteux était curieux de voir le responsable d'un tel bordel de plus prêt.


« Alors, tu veux r’joindre les loups ? »

Un esprit plus attentif et plus affûté dans l’analyse de son environnement eut certainement perçu un grand danger dans l’atmosphère sombre de cette taverne où les visages s’étaient renfrognés et où nombre de mains calleuses s’étaient sensiblement rapprochés de leur ceinture à la recherche d’une arme. Un tel esprit, sûr de la justesse de sa déduction eut certainement commandé au corps qui le soutenait de s’élever lentement de sa chaise, puis de se diriger vers la porte et de disparaître avec la discrétion légendaire du renard et l’allure foudroyante du lièvre en fuite.

Seulement, l’esprit d’Henkling n’était pas à proprement parler le plus aiguisé de son temps. Dans le modeste bourg qui l’avait vu naître au sud-ouest de Vogelsang, on le classait volontiers dans la race simple et frustre des idiots de village qui divertissent par la pauvreté niaiseuse de leur discours ou servent de cible facile pour les caillasses des plus jeunes. Concernant Henkling, cette réputation était au demeurant largement surfaite. Son esprit, s’il ne confinait pas au génie, restait néanmoins dans la norme, et une éducation appropriée eut sûrement obtenu quelque résultat. Malheureusement, son instruction avait été soigneusement négligée, et aucune âme charitable n’était venu combler de son savoir la lucarne vide qui logeait dans son crâne. Très vite, celui qu’on nommait partout « l’Epouvantail », en référence à sa longue carcasse aux allures de charpente en ruine, dut s’en remettre à son seul instinct pour le guider. Et très vite, Henkling se prit de vénération pour cette chose impalpable qui le commandait si impérieusement, ce murmure qui toujours appréhendait la marche du Vieux Monde avec trois pas d’avance, ce cri qui l’avait déjà sauvé de nombreuses situations désespérées. L’instinct. Il avait fini par en devenir l’esclave rampant, ou plutôt le valet docile et fidèle, et en toute circonstance, il obéissait scrupuleusement aux indications de ce qu’il appelait amoureusement sa « Belle ». Elle était sa plus fidèle confidente, la plus sûre béquille d’une raison vagissante qui n’avait jamais eu le temps de grandir.

Et en cet instant précis, l’instinct d’Henkling lui commandait d’attendre, de respecter l’ordre qu’on lui avait donné, de demeurer fermement appuyé sur sa chaise et de scruter avec la plus stricte minutie les interstices gorgés de détritus du misérable parquet. Autour de lui, la taverne grognait, pleurait à grosses larmes d’alcool, empestait sous l’entassement des hommes sales et rotant qui s’y vautraient, mais l’Epouvantail n’entendait rien, ne sentait rien. Incroyablement concentré, il ne pensait qu’à ses lèvres, qui s’évertuaient inlassablement à mimer les dernières paroles du Sergent-Recruteur : Cale tes fesses sur une chaise, cale tes fesses sur une chaise, cale tes fesses sur une ch…

Il s’interrompit, tout à coup. Des jambes massives (l’une d’entre elles était agrémentée d’une curieuse excroissance) venaient d’entrer dans son champ de vision. Une fulgurance de sa Belle lui commanda d’élever les yeux pour jauger celui qui l’approchait ainsi, et il trouva le regard d’un homme à la jeunesse passée, qui l’observait avec curiosité. Il attendit, avec fébrilité, et déjà ses mains tiédissaient sans qu’il s’en rendît seulement compte.

« Alors, tu veux r’joindre les loups ? »

La question lui arracha un large sourire, et il se sentit immédiatement décontracté. Depuis son arrivée à la taverne de Wolfenburg, les mots grivois de ses voisins de comptoirs avaient passablement assombri son humeur et la gouaille trop complexe du Sergent-Recruteur avaient fini par le perdre dans le brouillard opaque de ses pensées engourdies. Enfin, une question parfaitement compréhensible ! Béni était ce bougre qui parlait si simplement ! Henkling n’eut pas le temps de se demander si cet homme faisait partie des Loups, si au contraire il en était un ennemi résolu à abattre tout adversaire qui portait l’insigne de la Meute, ou encore s’il était simplement là pour se moquer de son physique discourtois. Sa Belle avait décidé qu’il s’agissait d’un ami et qu’il fallait le traiter avec tout les égards. L’Epouvantail – toujours sans quitter sa chaise, car il n’avait pas oublié l’ordre qui lui avait été donné – inclina son buste en une espèce de salutation ridicule, et répondit avec empressement et chaleur :

« Oui ! Je m’appelle Henkling ! Je cale mes fesses sur la chaise ! Je veux rejoindre les Loups ! Je suis fort ! »

Sa Belle, plaisante conseillère encline à la prodigalité, crut bon de lui souffler un tour dont elle seule avait le secret. La main gauche d’Henkling s’illumina d’une forte lumière qui encercla ses doigts de langues de feu durant un bref instant. Puis la pénombre retomba sur l’atmosphère grasse et musquée de la salle.

« Oui ! Je veux rejoindre les Loups ! Je suis loyal ! »

En cette instant, sa Belle le couvait d’une paisible sécurité, et l’Epouvantail lança un large sourire à cet homme qui voulait savoir s’il était fait de chair ou de paille.

Vlad planta son regard sur Henkling ... Celui-ci avait son compte de folie visiblement. Beaucoup plus entamé que la précédente.
L'endroit est bien étrange ... Depuis des années que Vlad poursuivait les aberrations du Chaos, il n'avait jamais eu deux zigotos aussi incompétent et dangereux au même endroit. Voila longtemps que ces deux la seraient cloués à un arbre si les lois de l'Empereur étaient de rigueur dans ce campement ... Et visiblement c'était les lois des loups qui faisaient foi.
Vlad détailla l'homme, pour lui deux simples bracelets de plombs et un voyage à Middenheim devrait régler le problème ... L'homme n'aimait pas tuer sans que l'accusation ne le demande. La torche devait brûler, le simple avait encore une chance de se repentir.

Un homme s'est approché du furieux, ils ont échangés quelques mots et le mage a fait usage de son pouvoirs ... Encore et sans besoin particulier.
S'en était trop pour Vlad ... Les vents de magie sont une aberration universelle, que on les utilise pour défendre l'empire pouvait passer mais que on utilise la magie pour faire joujou ou cramer des villages ... Vlad ne pouvait l'accepter.

Il attrapa son arbalette de poing et tira en direction de l'homme puis parcouru les quelques mètres qui le séparés de lui.
Le carreau était planté dans le mur entre le majeur et l'index de Henkling. Vlad sortit de son manteau deux énormes brassards de plombs, ceux-co pouvaient couvrir l'avant bras du poignet jusqu'au coude et les jeta sur la table en tirant sa lame avec son autre main, lame qu'il plaça sous la gorge du mage.

Il planta ses yeux dans ceux du magicien alors que les loups présent avaient déjà tirés leurs et étaient prêt à mettre Vlad en miette au moindre geste de leur chef.
Vlad d'une voix aussi forte que glacial s'adressa au magicien.

" T'as deux options espèce de cornard ! Soit tu me sors ton putin de brevet de mage d'une des écoles de l'empire. Soit tu mets ces putins de bracelets ! Dans les deux cas plus de magie temps que t'as pas un brevet ou que le mec qui dirige le coin prend la responsabilité de te laisser bruler son auberge ! Tu as de la chance que ce soit les loups qui décident de qui vie sur leur campement sinon tu serais déjà en pièce ! Tu choisi ! "

Les dernières heures du campement avaient été quelque peu agitées après la mise au point que le capitaine s'était donné l'aimable peine d'offrir aux louveteaux qui l'avaient eux même réclamé à corps et à cri. La dernière précieuse attention avait profité à la jeune Kirsten après quoi méritant un juste repos, Malheur se dirigea vers la taverne pour aller y siroter une eau de vie provenant d'Albion dont il était friand.

Quel ne fut pas sa déception profonde de voir le temps du bien être retardé en voyant les ennuis se profiler sous les traits de l'importun qui avait eu la désobligeante idée de menacer quelqu'un sous son toit. Il se résolu dès lors à régler ce désagrément sans tarder.


- "Donnez moi une seule bonne raison pour ne pas répandre sur le mur l'inutile substance que contient votre crâne mur et qui ne vous a pas sauvé de l'idée stupide de sortir une arme ici..."

Vlad savait pas que sortir les armes ne jouerait pas en sa faveur ... Les hommes ne comprendraient pas. La magie est une des plus puissantes force que les hommes puissent pratiquer mais aussi la plus dangeureuse. Expliquer à ces hommes qu'un abus de magie peut faire apparaitre dans leur taverne un quelconque démon ... Ou la faire flamber en quelques n'était plus à l'ordre du jour. L'homme qui était entré était visiblement quelqu'un de gradé dans la compagnie à la réaction des hommes lors de son entrée.
Kramter savait qu'il avait une chance sur deux de laisser sa cervelle repeindre le mur selon la réponse qu'il donnerait à cet homme.
Il posa doucement sa lame sur la table sous les yeux des loups prêt à bondir sur un simple geste de leur chef. La meute était prête. L'inconnu qui émanait cette aura de commandement ne semblait pas du genre à bavarder, il voulait une réponse rapide et simple. Vlad planta ses yeux dans les yeux sans pitié du capitaine.

" Avez vous déjà vu un magicien, même des plus insignifiant perdre le contrôle de sa magie ? La plus minable, le plus pitoyable est capable de déchaîner une magie des plus destructrices s'il est submergé par les créatures qui parcourent les méandres de la magie. Par ce petit tour d'idiot du village, cet homme aurait pu faire flamber la taverne ou subir une dite malédiction de Tzeentch qui détruirait le sorcier le transformant en démon ... Pas simpa."

La description que faisait Vlad était grotesque pour ceux qui ne savait rien de la magie, mais magicien avertis saura que chaque utilisation même mineur de la magie peut se transformer en catastrophe.
Les effets dont Vlad parlait avaient une chance sur mille d'arriver mais cela était possible et Malheur le savait.
Pour autant on ne sortait pas d'arme dans sa taverne. Vlad continua de maintenir le regard du capitaine.

" Le contrat que j'avais à proposer à votre capitaine avait un lien avec les sorciers sans expérience qui pointe le nez chez vous après avoir foutu le feu à des villages et autre ... Le rigolo là et l'autre dehors n'ont pas d'accréditation officiel et ne sont donc pas reconnu comme sachant maîtriser leurs pouvoirs. J'ai une solution simple pour éviter que vous aillez à assommer vos "flammes sur pattes" à chaque fois qu'elle chauffe trop cela semble une bonne raison pour ne pas répandre ma cervelle sur le mur ... De plus les loups sont réputés pour toujours étudier les contrats qu'on leurs propose ? "

Malheur restait froid comme un roc et impénétrable.

Alors que le répurgateur avait bondi du comptoir glissant en un éclair son arme sous le cou de l'étranger, les loups présents s'étaient levés à l'unisson, des chaises se renversèrent. Le crissement des lames sortant des fourreaux se fit entendre tandis que Vlad Kramter parlait, de cette voix froide, sans appel.

Ajouté à cela la venue inopportune de Malheur, défiant le chasseur de sorcière, l'avertissant de la bêtise de son geste, la tension était à son comble. Lourde, pesante,...

Le boiteux, malgré son handicap, avait réagi promptement, 32 années de mercenariat lui avaient inculqué à agir vite.

Aussi, lorsque l'attention du chasseur de sorcière fut détournée par l'entrée fracassante de Malheur, il empoigna la crosse de son pistolet à rouet et dirigea le canon d'un geste vif vers l'entrejambe du répurgateur.

Malgré que ce dernier ai dégagé sa lame du cou non protégé de ce Henkling , cet homme à l'allure pitoyable, le sergent garda son arme pointée. Les valseuses en ligne de mire risquaient de n'être plus qu'un doux souvenir.

Un seul mot du capitaine, un seul signe d’assentiment et le dénommé Vlad Kramter se verrait contraint d'enlever les gueuses de son tableau de chasse à tout jamais.

Il était couramment admis, dans les esprits du Vieux Monde, qu’une cervelle sans jugeote ne s’agitait vraisemblablement pas plus qu’une vieille barque sans rame sur un lac placide. De même, la sagesse populaire convenait que l’esprit d’un simplet ne pouvait diriger l’architecture complexe d’un cou, d’un buste et de quatre membres avec aisance et célérité. Il faut pourtant l’admettre, parmis tous les nageurs, ce sont les plus piètres barboteurs qui s’agitent le plus pour compenser l’incroyable chaos et l’inefficacité patente de leurs mouvements. Henkling n’échappait guère à cette règle. Ses manières simples, son parler lent et exagérément phrasé cachaient un bouillonnement intérieur permanent, exemplaire de bonne volonté quoique définitivement confus et majoritairement vain. Heureusement pour lui, au milieu de cette tourmente rageuse, sa Belle apparaissait souvent pour éclairer son esprit, et il s’y rattachait alors avec la subite dévotion du naufragé désespéré qui au travers des cordes d’un méchant grain entr’aperçoit un phare.

Ce fut d’ailleurs sa Belle qui le sauva, cette fois-là, quoiqu’elle dût se fâcher. Alors qu’Henkling attendait encore patiemment la réplique de La Jambe (il aimait à nommer ceux qu’il rencontrait en fonction de leurs caractéristiques les plus marquantes, pour faciliter le labeur de sa modeste mémoire), les événements se succédèrent tout à coup à une vitesse effarante. Sa Belle hurla de terreur, et les muscles de l’Epouvantail se tendirent pour le jeter violemment à terre et éviter un danger latent mais mortel. Loin d’être calmée, la Jolie s’époumona plus encore, et Henkling en fut cette fois si désarçonné qu’il se figea définitivement, prostré et gorgé d’angoisse devant le malheur qui allait inéluctablement s’abattre sur lui.

Personne n’avait bien sûr remarqué ce double mouvement fulgurant qui s’était traduit par un imperceptible tressaillement. Lorsque le carreau d’arbalète se figea entre ses deux doigts, tout le monde fut persuadé que l’horreur qui se lisait sur son visage traduisait la peur intense d’un simplet un peu trop lâche, et de fait tout le monde s’y était trompé : il s’agissait d’une banale incompréhension entre un être et l’objet de sa vénération. Entre temps, l’homme qui avait fait mouche – car visiblement son coup avait été intentionnellement manqué – s’était avancé. De son discours, Henkling ne comprit pas un mot. L’autre parlait trop vite, trop brutalement, ses mots s’emmêlaient en des phrases informes et compliquées qui perdaient leur sens bien avant d’arriver à son esprit. L’Epouvantail ne manqua pas de remarquer toutefois que son véhément interlocuteur avait jeté devant ses pieds un couple de fers et qu’une lame promenait son fil trop près de sa gorge. Et il en comprenait parfaitement la signification : la mort, ou l’enfermement. En cet instant, il crut devenir fou, et il ne remarqua guère l’arrivée d’un homme d’importance, la joute verbale qui l’opposa ensuite à son agresseur, ou encore la fulgurante intervention de la Jambe.

Ne comptait plus pour lui que ce tragique dilemme : la mort.

Qu’on veuille bien pardonner à cette pauvre âme la façon insolite qu’elle avait de décrire un choix impossible en une seule partie. Car cette pensée, toute embuée d’incertitude qu’elle était, restait fort claire dans son esprit. L’enfermement n’était pas une option valable. L'incarcération lui avait toujours paru une abomination de la nature. Un corps, des jambes, des bras, des yeux, tout ceci avait été conçu pour bouger, pour se mouvoir à travers la campagne, tout ceci se devait de parcourir le monde, tel était son unique but. En conséquence, l’enfermement était une aberration monumentale et c’était donc –selon ses propres mots -, le Mal. Il ne lui restait donc plus qu’à mourir. Seulement, sa Belle s’indignait tant d’une si vile idée qu’il peinait à s’y résoudre. Là reposait son dilemme.

Vlad Kramter avait du reste à moitié raison. Sans secours d’aucune sorte, Henkling eut été bien capable de consumer l’auberge entière, car il trouvait belles ces flammes qui s’échappaient parfois de sa main, et l’idée d’une immolation bien préférable à celle d’une lame glaciale tranchant son cou. Sa main s’était d’ailleurs déjà levé avec prestance, et l’Epouvantail se réjouissait d’observer la fantastique incandescence qui allait l’envelopper d’étincelles et de lumière. Fort heureusement, sa bienveillante Protectrice ne l’abandonna pas, et l’auberge ne connut pas ce soir-là la dernière heure de son existence. Sa main resta levée, avec une sorte de majesté débonnaire, et Henkling entendit sa Belle, magnifique et désespérée, lui suggérer une dernière issue. D’un geste de la tête, il désigna sa main ouverte, et sa voix ample ébranla l’atmosphère tendue de la pièce, alors que les trois hommes se jaugeaient.

« Uniquement en cas de danger ! ».

Puis, il désigna le Sergent-Recruteur.

« Je cale mes fesses sur la chaise. Je ne bouge pas. C’est un ordre.»

Enfin, vibrant d’émotion et d’honneur (c’était bien sûr sa Belle qui lui recommandait avec insistance d’accentuer l’oscillation glorieusement pathétique de sa voix), il ajouta, en guise de conclusion, presque en criant :

« Je suis Henkling ! Je souhaite entrer au service des Loups ! Je suis loyal ! »

Pour ceux qui assistaient à la scène, il apparut évident que le simplet cherchait à s’attirer la sympathie de l’assemblée pour repousser l’assaillant. Quant à Henkling, il n’avait vraisemblablement pas saisi la portée de ses actes ou de ses mots, et n’avait guère conscience de la riposte habile quoique risquée qu’il venait de mener. Soucieux de plaire à sa Belle, il s’était fait son amant, soumis et serviable, et avait joué scrupuleusement le plan qu’Elle avait établi pour lui.

Enfin, il croisa les yeux de Vlad Kramter, et ses yeux brillèrent d’une haine primitive, sauvage, et dangereuse. La Jambe, le Mal et celui qui était arrivé entre temps continuaient à s’observer.



[HRP] : Mes excuses au Boiteux, mon texte était déjà finalisé quand j'ai découvert le nouveau message, et je n'ai que très furtivement intégré son intervention! [/HRP]

La présente situation était de celles qui se répétaient inlassablement au cours de l'histoire. La situation était d'ailleurs fort intéressante en ce que le parallèle pouvait d'autant mieux être fait vis à vis des forces en présence. Un homme, armé jusqu'aux dents, face à une meute de loups, devant lesquels toutes ses certitudes n'étaient plus rien et où l'on revenait à la question la plus essentielle et la plus originelle pour l'homme ; comment survivre ?

Malheur devisageait l'homme devant lui. Il le jaugea comme une chose négligeable et répondit sur un ton qui le laissa largement transparaître.

- Un contrat dis-tu ? Mais qui es-tu pour ne serait-ce qu'espérer recruter les Loups d'Ostland ? Nous ne sommes pas là pour faire le travail des répurgateur incompétents. La fille dehors a une accréditation et elle m'appartient. Quant à lui, où as-tu pu lire que c'est un sorcier ? Au travers l'hypothétique flammèche qu'il ferait apparaître pathétiquement dans sa paume ? Des saltimbanques dans son genre qui gonflent leurs plumes pour paraître plus effrayants ça courent les routes. Ce n'est pas parce qu'un chat hérisse ses poils qu'il en devient un lion. Il a une épée à deux mains me semble t'il alors jusqu'à preuve du contraire c'est un paysan avec une épée et rien d'autre que cela à ceci près qu'il connait des tours de passe-passe. Tant mieux pour lui si ça l'a déjà sauvé, tant pis si ça le mène un jour sur un bûcher. Mais pour l'heure toi, comme lui, avez fait une erreur... Alors on va faire l'impasse pour une fois et chacun va retourner à ses affaires gentillement et ce avant que je ne perde patience. Est-ce assez clair pour tout le monde ?

Le capitaine adressa tour à tour aux deux étrangers un regard qui ne laissait rien de bon à présager.

Vlad soutint le regard de malheur ... L'homme n'aimait pas etre rabaissé mais ce qu'il détestait dessus tout était faire des erreurs stupide ... Le capitaine des loups était clément ... La même erreur face à une saloperie du Chaos aurait amené Vlad à la mort. Un peu d'observation aurait montré à Kramter que tous les hommes ou presque dans cette taverne portait la marque des loups. Sortir les armes face à la meute c'était comme jeter des pierres à une bande de maraudeurs.

Le répurgateur baisse la tête ... Il ne devait plus oublié que malgré les années de traque la mort l'attendait partout.

" Je vous laisse ces bracelets de plomb ... Placé sur un sorcier, ils l'empêcheront d'utiliser ses pouvoirs. Cela pourrait vous être utile. De plus faites surveiller le village au nord, une grande bande de flagellant campe aux alentours. Les villageois vous craigne mais pas ces fous. "

Les deux magiciens causeraient toujours moins de dégâts dans les loups que dans la nature. A défaut de les tuer, mieux valait les laisser au loups.
Il serait culotté de rester dans le camp après ce qui venait de se passer mais Vlad voulait garder un oeil sur les sorciers ...

" Mon "contrat" consisté à me livrer la femme qui a flambé le village non loin ... Celle-ci étant sous votre commandement, je ne peux que retirer ma demande ... J'aurai préféré que celle-ci paye pour ses actes mais elle causera moins de tort sous vos ordres que seul dans la nature. Mais sachez une chose ... des sorciers comme ceux qui se pointe chez vous pourraient vous attirez des ennuis ... Entre les flagellants et la perte de contrôle. "

Vlad fit un signe de la tête vers la bourse qu'il avait montré au boiteux.

" Je vous laisse l'or pour le dérangement. Cela vous convient ? "

Henkling avait fait un effort inouï pour appréhender les mots de l’homme qui venait de s’adresser tour à tour à Vlad puis à sa propre personne. Généralement, il se contentait de sentir le ton de son interlocuteur pour s’imaginer la teneur de ses dires, mais cette fois, il s’appliqua méthodiquement à découper chaque phrase, à digérer chaque mot, à réfléchir sur leur signification, jusqu’à en dégager le sens général qui lui semblait juste. Il avait naturellement ses raisons : cet homme, cette voix inflexible qui tonnait, cette indéfectible assurance qu’il semblait avoir en ses moyens ; ces regards tout autour de lui, mêlés de respect, de crainte ou d’adoration, invariablement rivés sur sa personne ; sa Belle elle-même qui recommandait en cet instant la plus extrême prudence : tous ces signes s’accordaient pour le désigner comme un personnage d’importance. La logique archaïque de l’Epouvantail lui enseigna qu’un personnage d’importance professait toujours et en tout lieu des théories de grande importance, et qu’il convenait donc d’écouter avec toute l’attention requise.

Henkling écouta, donc. Son visage informe se contracta sous l’effort, ses mains sèches et cassantes comme du foin devirent humides, son vieux soulier ciré avec grand soin frotta frénétiquement le plancher. Lorsqu’enfin il eut démêlé les méandres raffinés des dires de l’Important (c’était là le nom qu’il avait fort rationnellement décidé de lui donner), l’autre avait fini de parler depuis bien longtemps, et le dévisageait avec une sévérité impatiente qui ne laissait guère de doute sur l’agacement las qui l’habitait.

S’entendre ainsi traiter de paysan incompétent, de fanfaron de foire et de paon à la plume trop voyante et au chant bien faux, tout ceci suscita chez lui une colère proportionnelle à son orgueil. C’est-à-dire qu’il resta parfaitement calme, tant il n’avait pas la moindre idée de ce qu’étaient ses qualités propres ou désirées, préalables indispensables à la naissance de toute fierté. Au demeurant, il ne douta pas un seul instant des dires de l’Important, car lui-même considérait les artifices éphémères que projetaient ses doigts comme de simples tours féeriques que lui jouait sa Belle. Et la fortune, soit qu’elle fut cruelle et préféra l’abandonner à son sort inepte soit qu’elle fut bonne et ne souhaita pas l’accabler d’un poids et d’une responsabilité trop immenses pour une si frêle constitution, la Fortune n’avait jamais dépêché le Hasard pour qu’on remarquât le fort potentiel qui résidait dans ce visage et ces membres grotesques. Et Henkling était resté un joyau lumineux dans un coque de charbon et de vieille mousse.

Aussi donc, une fois l’exploit de la pleine compréhension accompli, l’Epouvantail se hâta d’obéir et se concentra à nouveau sur « ses affaires », comme l’avait vigoureusement suggéré l’Important. Son maigre fessier se cala avec un équilibre rigoureux sur sa chaise, ses yeux fixèrent le sol avec une patiente obstination. Henkling continua d’attendre, sans mot dire, le cœur enivré par les improbables évènements qui ne cessaient de s’enchaîner depuis le lever du soleil. De la sortie repentante de Vlad, il n’eut pas même conscience. Il était ici pour entrer au service des Loups, et aucun doute ne se dressait encore dans son esprit.

Une gamine d'une dizaine d'années entra comme une tornade dans la taverne. Elle se dirigea de suite vers le boiteux et lui lança : "La soupe chauffe! La cuisinière m'envoie t'le dire ! Ca s'ra bientôt prêt pour ton retour ! "

Les cheveux roux en bataille, le nez légèrement en trompette, elle semblait assez fière de son message puis elle jeta un coup d'œil à droite et à gauche voir qui était la.... ce n'est qu'enfin qu'elle se rendit compte que la tension qui semblait retomber lentement, les loups ne jetant toujours un œil vers le répurgateur et l'épouvantail.

C'est ce dernier qui l'intrigua, ou plutôt l'air qu'il donnait. S'approchant de lui une fois sa lourde mission de messagère terminée et avant de reprendre de recevoir un nouvel ordre, elle se pencha en avant et tourna la tête sur le coté afin de voir à quoi ressemblait donc un épouvantail vivant.

Souriant de toutes ses dents elle lui lança

"Lut Toi !"

S’il était une race à laquelle l’Epouvantail n’avait pas souvenir d’avoir appartenu, c’était bien celle de ces hommes et de ces femmes à peine formés, si courts sur pieds et à la voix curieusement aiguë qu’on nommait enfants. Sa mémoire rétractile avait naturellement une grande part de responsabilité dans ce navrant état de fait. Si ce n’était pas là le seul domaine dans lequel elle pêchait par médiocrité, peut-être avait-elle été guidée cette fois par les conseils miséricordieux de la Providence : l’on s’imagine sans mal les pénibles épreuves qu’une âme simple entouré d’un corps au contour ambigu endure parmi ses semblables aux premières années de sa vie. Des caillasses, des moqueries ou de la mine passablement dégoûtée des fillettes qui l’avaient observé avec un dédain inflexible durant de nombreuses années, Henkling ne savait donc plus rien.

Ainsi, comme au sortir d’un long songe dont il n’avait pas gardé souvenir, Henkling avait pour ainsi dire redécouvert la race étrange des enfants, et il s’était mis à observer ces choses naines et braillardes avec la curiosité méfiante qui convenait à tout être potentiellement mouvant. D’ailleurs, il les trouva bien vite trop animés et trop remuants pour s’accommoder de leur présence. Heureusement, il n’avait généralement pas à les fuir : l’immense majorité de la marmaille prenait peur devant sa grande carcasse prétendument affaiblie, et les plus hardis et les plus insolents fuyaient ou s’écroulaient après un bon coup d’épée - l’Epouvantail usait invariablement de ce même artifice pour chasser mouches, voleurs, armoires récalcitrantes ou enfants. Le plus clair de sa vie se passait donc loin de cette faune vagissante, et Henkling s’en portait très bien.

L’enfant qui s’était arrêtée devant lui était à bien plus d’un titre singulière. Elle ne semblait pas effrayée par son allure chaotique, et ne se tenait pas parée à lui asséner un coup de pied vindicatif pour la seule raison qu’il était bien trop vil pour une si belle taverne. Sa Belle lui conseilla comme de coutume de se saisir de sa Vieille Louve –c’est ainsi qu’il appelait sa fidèle compagne, bien qu’il ne s’agissait que d’une Claymore suffisamment lourde pour assommer, mais bien trop vieille et édentée pour mordre. Il se rendit compte avec effarement qu’il l’avait abandonnée près du comptoir, où elle gisait encore piteusement aux pieds de la chaise qui l’avait terrassée. Hagard, complètement décontenancé, il leva les yeux vers la frimousse et se frotta les oreilles de longues secondes. La gamine venait de le saluer.

Toujours résolu à ne pas se lever de sa chaise, il décida de faire face. A cet instant, il était à l’image d’une bête solitaire : sa Belle non plus ne savait pas à quoi s’en tenir avec ces êtres étranges. Quant à son esprit, il ne lui offrait que très peu de solutions : Frapper, rire, ou fuir. Parce qu’il ne pouvait fuir, parce qu’il ne voulait frapper , Henkling choisit donc d’en rire, et les regards dévièrent à nouveau vers lui lorsque de sa gorge s’éleva un hoquet de stentor à la froide résonance qui aurait normalement dû réduire en miette son cou filiforme. Puis, il s’essaya à répondre, et sa Belle lui souffla le seul surnom qui convenait à cette chose aux gambettes exagérément réduites :

« Bonjour, Jambelette, je suis Henkling ! »

La fillette sourit de plus belle. L'épouvantail avait un nom ! Pour une chance, c'était une chance ! Et qui plus est, il lui plaisait. A vrai dire.. il ne fallait pas grand chose pour plaire à Edana. Un regard gentil, une allure de chien écrasé, ou tout simplement ne pas la rejeter d'un coup de pied.

Souriant de toutes ses dents , elle lui lança :

"Bonjour Henkling ! Je suis Edana. Tu viens chez les Loups? Tu veux que je t'apporte une bière? C'est ton épée la Bas? OUAHHHH elle est drôlement grande, tu veux que j'aille la chercher? Tu veux quelque chose? Tu viens de loin? Tu as vu le sergent recruteur? Tu veux nous rejoindre? C'est drôlement chouette tu sais... Tu veux pas une bière? Tu veux nous raconter d'où tu viens?"

Lançant tout cela à grand vitesse, la jeune fille le dévorait littéralement du regard de ses grands yeux de braise.

Le respect de l’autorité était primordial, voir nécessaire pour des mercenaires de l’acabit des loups d’Ostland. Faut dire que la compagnie rassemblait la lie de la société et sans un homme à poigne à leur tête, ils se boufferaient le nez les uns les autres.


Quand Malheur ordonnait, la meute obéissait et cette fois n’échappa pas à la règle. Ses paroles, tranchantes comme l’arme à sa ceinture, coupa la tension à la racine, ne laissant dans l’air que la résonnance de sa voix puissante. Les loups avaient rengainés leurs armes et commençaient à reprendre tranquillement leurs activités, l’alcool et le jeu, tandis que le répurgateur s’éclipsait laissant sa bourse sur le comptoir : « En dédommagement » avait il dit.


Le sergent aussi de son coté obtempéra, passant son arme à la ceinture et s’apprêtant à questionner le simplet cutté sur sa chaise quand la gamine arriva et entreprit de laisser sa sempiternelle curiosité agir. Le flot de question ne tarda pas à jaillir telle un geyser d’eau mais avant que le débit ne devienne trop puissant, voir incontrôlable, le boiteux y coupa court :

« O , la mascotte, t’as rien d’autre à foutre ? Tu crois qu’la « Paquerette » va porter les auges toute seule ? Alors bouges moi le plancher où j’te fais bouffer une salade de phalange !! Qu’ça soit prêt dans 15 minutes !!! Et toi l’tocard» Reprit il en posant son regard acier sur le dénommé Henkling " T’as entendu l’capitaine, tes tours d’saltimbanques ça l’impressionne pas. Et moi non plus. J’ai connu une femme manchot qui me faisait sortir le feu d’artifice avec ses pieds, c’est pas avec tes flammèches qu’tu vas m'faire halluciner, c’est clair ? Alors t’as quoi à rajouter pour qu’je fasses déranger l’capitaine pour ta gueule ? Prépares des arguments autre qu’ la loyauté et ta capacité à tenir le cul sur une chaise. »

Si la loyauté et la force représentaient les canons du mercenariat dans l’esprit d’Henkling, ce dernier ne réduisait pas ce métier à ces deux seuls termes. Ainsi, toujours selon lui, tout bon mercenaire devait disposer des trois vertus principales suivantes : la dignité, la théâtralité, et l’esprit chevaleresque. Bien entendu, il avait parfaitement tort, mais il était entendu que l’esprit simple de l’Epouvantail n’avait décemment pu engendrer une idée aussi farfelue : cette conception du mercenariat lui avait été inculquée jadis par un homme de Foi à l’humour complexe qui avait soigneusement paré chacun de ses mots d’ironie et de mépris. Malheureusement, l’Epouvantail était trop habitué au mépris pour s’en alarmer, et quant à l’ironie, c’était une chose qui lui était parfaitement inconnue. Aussi avait-il retenu chacune de ces paroles comme la Vérité venant d’un saint homme, et dès lors il s’était efforcé à paraître fier, théâtral, et surtout chevaleresque. Il espérait ainsi qu’en tout point sa candidature pût retenir l’attention le moment venu.

Ce moment vint rapidement, et Henkling élabora soigneusement sa stratégie. Pour cultiver sa dignité, il s’était imposé un passage chez un barbier rustre mais efficace, qui lui avait ôté le poil sec et cassant qui se hérissait sur ses joues comme une moustache de félin. Il avait cru bon ensuite de chercher querelle à une chaise, au beau milieu de la taverne, pour s’assurer que chacun des mercenaires présent pût voir qu’en lui résidait une âme puissamment théâtrale, portée vers la dramaturgie et le rocambolesque, une âme de mercenaire accompli en somme, qu’il ne valait mieux pas bousculer, et qui méritait qu’on s’y attache.

Enfin, pour l’esprit chevaleresque, Henkling se trouva pris au dépourvu : cette expression ne signifiait rien ou si peu pour lui, et il peinait à s’imaginer comment une conscience, par ailleurs déjà fière et théâtrale, pouvait en outre être empli d’une vertu, magnifique, si propre à ces hommes étincelants qui tenaient bride à de colossales montures, et qu’on appelait l’équilibre (se tenir sur un objet mouvant pendant un temps bien long sans tomber, ce devait bien être là la qualité principale de ces cavaliers). Qu’une conscience pût tomber d’un cheval, voilà la question absconse qui l’occupa les deux jours précédant ce fameux soir. De cette réflexion, il n’en tira aucune conclusion, et s’en tint aux conseils de sa Belle qui lui suggérait d’improviser le moment venu.

Il croyait avoir fait honnête figure jusque-là lorsque le flot frénétique de paroles et de questions de la fillette vint liquéfier d’une seule traite ses bonnes intentions. Non qu’il comprit absolument tout ce qu’elle lui avait sifflé à l’oreille : une seule petite phrase anodine avait indéniablement laissé sa marque dans son esprit. La gamine avait complimenté Vieille Louve, sa plus chère et vieille amie. Elle était grande, avait-elle dit ! Une vague de chaleur indescriptible le submergea, ses membres tremblèrent encore plus que de coutume, et il sentit ses yeux s’humidifier sans rien pouvoir y faire : l’Epouvantail était ému. Et il trouvait finalement cette jeune fille assez sympathique (pour une enfant).

Bien sûr, tout cela était très théâtral, mais fort peu digne, et sa Belle se débattait de désespoir. Très certainement, si on lui avait laissé quelques instants de plus, Henkling eut pleuré de grosses larmes de gratitude, mais fort heureusement pour lui et pour ses projets de mercenariat, la Jambe le sauva en l’interpellant brutalement, et ses pleurs moururent au fond de sa gorge. Les paroles de l’homme le déconcertèrent : ce dernier ne le trouvait visiblement pas assez théâtral ; son combat, ses flammèches n’y avaient pas suffi. Sa Belle lui recommanda instantanément de faire flamber l’auberge, et Henkling y fut vraisemblablement parvenu, tant ses dispositions naturelles lui facilitaient ce genre d’exploit. Mais, encore étreint par l’émotion, il ne suivit pas son avis. Ses mains se tendirent vers Vieille Louve, et il sourit à la jeune fille, en hochant lentement la tête, lui indiquant de ramener sa fidèle compagne. A la Jambe qui continuait à l’observer, il répliqua, d’une voix profonde, aussi digne que possible :

« Je suis fort. Je me bats, et je ne tombe pas ! »

Son esprit fut fort satisfait de cette phrase, qui comportait par ailleurs une bonne dose de chevalerie dans sa dernière partie. Concernant ses prétentions au combat, il n’était pas précisément aguerri à l’art de l’escrime : son arme était si mauvaise qu’il s’en servait comme d’un objet contondant, et s’il n’avait jamais tué le moindre ennemi, il en avait assommé un bon compte. Ces prouesses n’en faisaient pas exactement la plus fine lame du royaume, loin s’en faut. La pyrotechnie était sans nul doute le domaine dans lequel il pouvait exceller pour peu qu’une bonne âme se munît d’infinie patience pour lui en apprendre les arcanes. Mais pour lors, l’Epouvantail tentait de se faire passer pour un épéiste digne, théâtral, et chevaleresque.

Passant la main dans sa barbe poivre sel, le boiteux soupira.
Le prénommé Henkling semblait avoir une case en moins, peut être même deux. Pourtant il en avait vu des dérangés mais là, il était tombé sur du lourd. Certes, la compagnie n’était pas un groupe littéraire ou l’une de ces organisations académiques demandant intelligence, savoir faire et faire savoir, dans lesquelles être de bonne famille était de bonne aloi.


Non, les loups rassemblaient la lie de la société, un mélange hétéroclites de criminels, de parias et de vagabonds, chacun d’eux ayant un passé trouble mais tous pouvaient trouver leur place dans la meute pour peu qu’il s’en donnait les moyens.


Aussi, le sergent ne s’arrêta pas à cette impression d’idiotie latente qui émanait du bonhomme. Certains illuminés au sein de la compagnie avaient fait leur preuve, peut être qu’Henkling en serait capable aussi…Peut être… Ou peut être ne serait il bon qu'à curer le cul des chevaux et à porter la bidoche aux chiens de guerre. Si le capitaine le considérait apte, il trouverait bien une tache à la mesure de ses aptitudes.


C'est donc dans l'espoir de déterminer jusqu'ou était perché l'étranger que le Boiteux reprit:


“Ah, tu tombes pas?? Bah, j’vais t’dire l’empaffé, un arbre a beau t’nir le vent, ce n'est pas moins qu’un foutu arbre, le genre de truc qui sert à nib, si ce n’est à servir de perchoir aux piafs, une estrade naturel pour qu’ils te fientent sur l’museau. Alors niveau arguments que tu n’tombes pas, tu r’passeras !! Donc pourquoi tu veux nous rejoindre ? Qu’est ce qui t’amène à vouloir être mercenaire ? Et est ce qu’t’as la moindre idée de c’que c’est not’vie, l’dingo ? »

Edana regarda le boiteux en se mordant les levres comme à son habitude lorsqu'elle sentait une torgnole se rapprocher dangereusement... Elle allait s'enfuir sans demander son reste pour donner de l'aide à Paquerette quand elle surprit le regard de l'épouvantail qui tendait sa main vers son épée émoussée. Jetant un coup d'oeil prompt au boiteux pour jauger la distance entre elle et lui, et estimant que sa vitesse serait suffisante, elle sauta sur ses jambes, courut prendre l'épée pour la rendre à son propriétaire rapidement en faisant un bon détour vers les loups.

Fière comme artaban, elle reprit le chemin en sens inverse.

Elle etait sure d'avoir le temps de reprendre le même chemin - plus long mais plus sur, éloigné qu'il était du boiteux - mais son espoir fut détruit en chemin : un loup à l'humour particulièrement brillant décida qu'il était de bon ton pour faire rire tout le monde de lui faire un croche en jambe.

Se ramassant aux pieds de tous au milieu des rires, Edana se releva le plus vite possible pour se carapater hors de la taverne obéir au sergent.

[HRP]

Bonjour,

Il ne reste plus qu'à convenir d'une date pour l'entretien skype.

A bientôt,

LJD Malheur.

[HRP OFF]

A la question brutale et pertinente de la Jambe, Henkling répondit par un hochement de la tête, suivi quelques secondes plus tard par un oui plein d’aplomb. Et effectivement, si l’Epouvantail avait certes une idée fort peu précise de ce qu’était la vie d’un mercenaire, l’évocation des rapines, des tas de richesses indolentes ou d’insupportables enfants à assommer excitait sa Belle à tel point qu’assurément, une telle existence valait largement celle qu’il avait mené jusqu’ici.

Il faut l’avouer pourtant, l’Epouvantail n’avait jamais baigné dans les charmes du mercenariat, et cette passion subite eut paru surprenante pour tous ceux qui le connaissaient. Sa vieille mère, d’ordinaire fort peu amène quand il s’agissait d’aiguiller son fils sur les sentiers de la réussite, l’avait fermement averti des dangers et de la perversion de ces hommes crasseux qui crachaient sur les planchers et dérangeaient sensiblement l’ordre harmonieux des masures qu’ils traversaient avec hargne. Aussi, Henkling eut certainement été enclin à la méfiance s’il s’était souvenu de ces sages paroles deux semaines auparavant, lorsque surgit la rencontre qui allait sceller sa destinée. Bien entendu, sa mémoire se refusa à distiller un tel présent au moment adéquat.

Deux semaines auparavant, ou plutôt treize jours, en début de soirée : cette date était d’une importance exceptionnelle, tant pour la Belle que pour la carcasse qui l’abritait. Au milieu de l’opacité dérangeante des pensées de l’Epouvantail, cet instant ainsi que les faits qui s’y rapportaient se détachaient avec une éclatante netteté, et Henkling se souvenait de chaque geste, de chaque mot, de l’odeur acre de l’auberge qui l’avait abrité cette luit là, de l’entaille en étoile du banc qui l’avait soutenu. Aucun détail, pas même le plus infime, ne lui avait échappé.

D’un être simple, on attend invariablement une expression et un langage désuets, dépouillés, tout à la fois gauches et insuffisants. Et certes Henkling avait jusque là parfaitement confirmé cette idée générale qui voulait que l’éloquence nécessitait une bonne intelligence des choses et des mots. La Jambe attendait pourtant une réponse, et sa Belle le pressait de rude insistance pour qu’il s’expliquât enfin et ne ruinât pas ses chances. Aussi s’élança-t-il, avec fougue, dans un long récit (du moins il lui semblait fort long), et tous se tournèrent vers le grand efflanqué qui à défaut de parler bien parlait tout à coup beaucoup.

« Je dois vous dire. Oui, il faut vous raconter. C’est simple. C’était avant. Je veux dire, pas aujourd’hui. Non. Hier non plus. Avant. Bien avant. Il faisait sombre. Je veux dire, il faisait nuit. Dehors bien sûr, dehors. Mais moi, je n’étais pas dehors, j’étais dedans. Dans une auberge. Pas celle-ci, oh non, pas celle-ci. C’est la première fois que nous venons ici, ma vieille Louve et moi. L’autre auberge, elle sentait le porc. Pas l’air, l’auberge. Les murs, les tables, le sol. C’est curieux qu’un lieu sente comme un animal. Hein ? Enfin, il faisait nuit, et il y avait un homme, et il s’était assis en face de moi. Lui n’avait pas d’odeur. Enfin non, il sentait le porc, lui aussi. Tout sentait le Porc, si je vous le dis ! L’autre donc. Il était assis devant moi. Il buvait. Il était silencieux. Mais voilà que tout à coup il parle, il parle beaucoup, il me parle, à moi. Je ne sais pas. Peut-être est-ce parce que j’étais en face de lui. Enfin, il parle. Il parle bien. Ses mots sont bien. Un peu avalés. Mais ils sont souvent simples, compr-,hmmmm, comprétensibles, oui, c’est comme ça qu’on dit. Enfin, il me parle. Il me dit ça. Je vous le répète. Il me dit :

Dis moi, l’grand t’m’a l’air fort, c’t’une grande épée qu’t’a là ; tu s’rais pas un merc’naire ?

Oui, il parle comme ça. Il avale les lettres, mais ça ne le fait pas grossir, non, il n’est pas gros. Il est maigre, bien maigre. Il ne doit pas avaler beaucoup plus que des lettres. Enfin, il me parle comme ça. Je comprends presque tout. Mais un mercenaire, je ne sais pas ce que c’est. Il le remarque, c’est quelqu’un d’intelligent, alors il me fait :

Quoi ? Qu’tu saurait pas c’que c’est qu’un merc’naire ? Ha ! L’plus beau métier du monde ! J’peux t’l’affirmer, j’en suis un, d’mercn’aire ! Un vrai d’vrai ! J’vais t’dire, t’m’as pas l’air d’voir un b’lot. Un m’tier j’veux dir’. Un tr’vail quoi, m’regard’ pas avec c’ grands yeux. T’ sais pas c’qu’c’est ? T’es un v’gabond, hein. Ha ! J’vais t’dire ! Tu sais t’servir d’cet’ épée ? Enrôl’ toi ! L’merc’naire, ç’vit en group’. T’veux quoi, êtr’ riche, avoir l’filles, t’aim’ t’battr’ ? Avec l’merc’nariat, t’auras t’ça !

Alors je lui réponds que je sais me battre. Je ne mens pas, avec ma Vieille Louve, on s’est déjà fait rosser, parfois, mais j’ai donné quelques leçons. Je veux dire, on en a rossé quelques uns, aussi. Enfin, ça m’intéresse. L’or, c’est bien, les combats, ça occupe. Je veux dire, on en a besoin pour l’or, souvent. Je lui dis : je veux être mercenaire. Mais tout à coup, il se rafrogne, enfin je veux dire, ses yeux sont triste et en colère. Alors il me dit :

C’t’interess’, hein ! Bon, j’t’ai brossé l’tableau p’tête un peu joliment, j’aim’rais pas qu’on vienn’ m’dir’ qu’ l’ vieux Gautlieb ‘’un menteur et ‘voit des fillet’ à la castagn’. J’veux dir’, c’pas un m’tier d’tendre !

Alors je lui dis, comme à vous, je suis fort, je n’ai pas peur. Je veux dire, je me suis beaucoup battu. Les humains me battent. Il me frappent, souvent. C’est comme ça. Je me défends, et parfois je les rosse. Je veux dire, je dors dehors. Je ne suis pas tendre. Et j’aime la pluie. Oh oui, j’aime la pluie. »

Henkling s’était arrêté net, et souriait à présent, presque béatement, sans prendre garde au léger filet de bave qui menaçait de creuser un sillon sur son menton. L’histoire qu’il venait de raconter s’était déjà nichée au fin fond de son esprit, momentanément oubliée. Du reste de l’histoire, il ne conta plus rien. Ne restait plus que l’image sereine d’une ondée régulière qui battait les herbes jaunes d’un pré, et délectait sa Belle. Il resta quelques instants encore dans cette posture, plutôt inconvenante au regard des mérites qu’il prétendait vendre, puis s’attarda sur sa Vieille Louve, qui gisait au sol. Ses yeux cherchèrent la fillette, mais elle avait disparu. Sa Belle en conçut du dépit. Fort heureusement, Elle n’avait pas perdu de vue que ces dernières minutes avaient sérieusement manqué de théâtralité. D’un geste brusque, Henkling fondit vers sa lame, et se saisit sans ménagement du tranchant (ce qui ne lui causa évidemment aucun mal au vu de l’état piteux du métal). Puis, il tendit la garde à portée de la Jambe, comme pour lui offrir son arme, et déclama avec force :

« Je suis Henkling. Je suis fort, je suis fier, je me bats, je ne tombe pas, j’aime la pluie et je veux entrer au service des Loups. »

Sa Belle réprima sèchement la flamme qui allait se former dans sa main libre.